En ce week-end des Journées du patrimoine, le domaine de Ch...

L'eau jaillit de nouveau à ChantillyLe doux bruit des jets d'eau se fait à nouveau entendre dans le parc de Chantilly. Et c'est un joli symbole si les jardins créés par Le Nôtre en 1665 rouvrent officiellement au public en ce week-end des Journées du patrimoine. Car cette restauration raconte l'histoire peu ordinaire d'une création du XVIIe siècle disparue avec la Révolution avant d'être réinventée de toutes pièces par son propriétaire le duc d'Aumale sous Louis-Philippe. En 1871, ce passionné d'art classique décidait en effet de rendre à Chantilly son lustre d'antan. Et entreprenait une refonte complète du site en redonnant vie à une mémoire perdue. C'est de ce travail que sont parties les équipes de la Fondation pour le développement et la sauvegarde du domaine de Chantilly menées par Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques.Niché au c?ur d'un domaine de 7.800 hectares donné par le duc d'Aumale en 1886 à l'Institut de France, le parc de Chantilly a été créé à l'initiative d'un des plus grands seigneurs du XVIIe siècle, Louis II de Bourbon (1621-1686), prince de Condé dit le Grand Condé. Assigné à résidence à Chantilly après la Fronde et sa révolte contre Louis XIV, il a l'ambition de créer un parc susceptible de rivaliser avec Versailles, alors en construction, et fait appel à André Le Nôtre (1613-1700). Celui-ci dessine alors l'un de ses chefs-d'?uvre.Si les jets d'eau s'élèvent aujourd'hui à 5 mètres de haut comme au temps du Grand Condé ? l'âme des lieux ? c'est parce qu'un autre prince, Karim Aga Khan, s'est épris de Chantilly. Au point de voler à son secours, ou plutôt à celui de son propriétaire, qui n'arrivait plus à faire face aux dépenses d'entretien et de restauration de cette immense propriété. L'Aga Khan crée en 2005 la Fondation pour le développement et la sauvegarde du domaine, le plus grand partenariat entre le public et le privé en France à ce jour. Parmi les chantiers déjà aboutis, on compte la renaissance du Hameau et la restauration de la Grande Singerie (dans les appartements des princes de Condé) en 2008, ou encore tout récemment la restauration des décors intérieurs de la Loggia, du Débotté et du salon Violet des appartements privés du duc d'Aumale, et du dôme des Grandes Écuries.Ingénieux système hydrauliqueÉlément princier de cet effort salutaire, ces gerbes d'eau qui s'élèvent à nouveau dans le ciel et dont le chantier aura mis près de deux ans à aboutir pour un coût total de plus de 6 millions d'euros. Car il a fallu remettre en état l'ingénieux système hydraulique imaginé par Le Nôtre. Partant d'un site constitué de marécages, le jardinier du roi avait eu l'idée de tirer profit de cet « inconvénient ». L'eau captée à quelques kilomètres était amenée par un aqueduc souterrain digne des Romains, qui permettait par pression une alimentation permanente des jets d'eau, de jour comme de nuit, grâce à un bassin situé en surplomb des parterres à une hauteur de 5 mètres. La restauration de ce chef-d'?uvre d'ingéniosité offre de nouveau à la vue la hauteur majestueuse des jets d'eau que les équipes du duc d'Aumale avaient échoué au XIXe siècle à refaire fonctionner comme au XVIIe, du temps du prince de Condé. Après curage des canaux, restitution des pierrées (canaux en pierre), réajustement des tuyaux et restauration des vannes, les jets atteignent donc leur hauteur d'origine, soit 15 pieds (5 mètres) pour les miroirs et 4,25 mètres pour la Gerbe.La visite permet aussi d'admirer la polychromie chic et minimaliste de ces jardins entre le vert et l'ocre jaune des parterres redessinés, et le blanc très pur des statues de marbre. Et l'on continuera de s'étonner devant l'architecture du lieu, le seul conçu par Le Nôtre dont l'axe ne passe pas par le château mais par une statue. Celle du connétable Anne de Montmorency. Miroirs d'eauLe Grand Parterre, qui se révèle au visiteur une fois franchie la terrasse du Connétable et descendues les marches du Grand Degré, s'ouvre alors sur les miroirs d'eau et leurs jets. Vases et statues viennent compléter cet équilibre. L'illustre jardinier, ayant pu donner libre cours à son génie, ne se lassera pas d'évoquer la perfection de son travail. « Monseigneur, voilà tout ce que je puis faire pour l'ornement du bas de votre grand escalier. Je souhaite qu'il vous plaise autant qu'il me fait », écrit-il au prince de Condé. Ce dernier n'eut de cesse de faire admirer et parcourir ses jardins par ses prestigieux hôtes. De Jean de La Fontaine à Bossuet en passant par La Bruyère, Molière et même Louis XIV. À notre tour aujourd'hui de nous extasier. Sophie Péters
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