La fabuleuse aventure des Mems

Lorsque vous montrez une photographie à un ami sur un iPhone, vous pouvez la lui présenter indifféremment en mode horizontal ou en mode vertical. Et vous pouvez vous amuser à passer à loisir d'un mode à l'autre. Cette fonctionnalité a été l'un des facteurs du succès de l'iPhone. Elle a été imitée par tous les concurrents d'Apple. Pour l'obtenir, il faut coupler l'application de présentation de la photographie (ou d'une vidéo) à un Mems (« Micro-Electro-Mechanical Systems »), un circuit électronique micromécanique qui peut détecter la position du téléphone.Les Mems sont en train de révolutionner l'électronique grand public. Ainsi, lorsque vous jouez avec la console Wii de Nintendo, vous agitez la télécommande dans tous les sens, soit pour boxer, soit pour jouer au tennis, ou au golf, voire pratiquer l'escrime, le tout virtuellement. La Wii est tellement amusante et simple d'utilisation qu'elle peuple maintenant les maisons de retraite. À défaut d'avoir le coeur et les jambes de leurs 20 ans, papy et mamy en ont les sensations. Pour leur offrir ce retour en arrière sympathique, on trouve dans la télécommande de la Wii un Mems élaboré par la société InvenSense : c'est un gyroscope électronique multiaxe.Produit hybride qui associe puce de silicium et nanoéléments mécaniques, le Mems est essentiellement un capteur de mouvement : accélération, choc, vibration, inclinaison et rotation. Le marché a un peu moins de vingt ans. Les premières applications ont fait leur apparition dans l'automobile. En 1992, Saab avait équipé certains de ses véhicules d'un capteur de chocs fourni par Analog Devices pour déclencher un airbag. C'était anecdotique et les balbutiements ont duré une dizaine d'années. Plus tard, certains Mems ont permis de gérer les suspensions actives des véhicules de luxe ou la correction de trajectoire dans les virages.« Nous avons commencé à fournir des capteurs il y a quinze ans, se souvient le Dr Frank Melzer, directeur général de Bosch Sensortec. Depuis, nous en avons vendu 1,3 milliard d'unités. » Filiale de l'équipementier automobile allemand Bosch, Bosch Sensortec est le numéro un mondial des capteurs. Il devrait réaliser en 2010 un chiffre d'affaires de plus de 500 millions d'euros sur une activité groupe de 15 milliards d'euros. Et il a des concurrents. Car, si la première vague de l'utilisation des Mems a été absorbée par le monde de l'automobile, les applications pour la téléphonie cellulaire et l'électronique grand public ont dopé considérablement le marché.Une des premières applications de l'électronique grand public revient à Toshiba, pour sa ligne de micro-ordinateurs portables Portégé : un Mems discerne une accélération trop violente et ordonne au bras de lecture du disque dur de ne plus être en contact avec le disque. Une chute d'un mètre de hauteur ne sera plus fatale à l'ordinateur.Par la suite, tous les acteurs de l'électronique grand public se sont emparés des Mems. « L'avantage des différents capteurs de mouvement est qu'ils peuvent accélérer, par un mode intuitif, la prise en main d'un téléphone ou d'un autre produit, note Frank Melzer. Mais ils doivent consommer peu d'électricité et doivent être utilisés dans les produits à faible encombrement. » Aujourd'hui, les Mems représentent la branche la plus dynamique de l'électronique. En 2010, ils devraient représenter un marché de 4,8 milliards de dollars, contre 2,7 milliards en 2009. On attend un volume d'affaires de 10 milliards de dollars avant 2014. De fait, l'industrie est en phase d'accélération grâce aux smartphones et aux consoles de jeux. Si un produit se vend bien grâce à une fonction logique liée à un Mems, on peut être sûr qu'il sera rapidement imité. Dans la foulée, le concepteur du Mems pourra contrôler un petit segment de marché. Aujourd'hui, deux applications font saliver l'industrie : un système d'annulation de bruit ambiant sur les téléphones Android, grâce à deux microphones Mems ; une nouvelle forme de réalité augmentée dans un smartphone grâce à un gyroscope électronique. Dans les deux cas, on évoque un potentiel de plusieurs dizaines de millions de pièces.Parallèlement à l'explosion de ces diverses utilisations, le marché est en train de se structurer et de s'industrialiser, comme a su le faire l'électronique classique. On apprend à élaborer des outils logiciels qui pourront être réutilisés, on essaye d'imaginer des processus de fabrication pouvant être mutualisés pour abaisser les coûts de production.« L'avenir des Mems passe par une intégration de plus en plus poussée, pour qu'ils puissent se faufiler dans divers systèmes complexes, explique Eric Eisenhut, responsable des ventes et du marketing de Kionix, une start-up spécialiste du secteur. Si l'industrie de l'électronique maîtrise parfaitement ces phases d'intégration et de réduction des prix de vente, il lui faut aussi prendre en compte l'intelligence qui entoure les capteurs : le traitement du signal, l'interface avec les autres fonctions d'un produit. » Et si l'on parle d'intelligence, la chaîne du logiciel ne doit pas être oubliée. « Nous avons créé un atelier pour générer des logiciels capables de faire fonctionner des Mems, note Michael Jamiolkowski, PDG de Coventor. L'industrie a besoin de ce type d'outil si elle veut étendre ses champs d'application. »« Les Mems d'aujourd'hui associent un capteur de haute sensibilité à un processeur de signal numérique très rapide, note Mark Martin, vice-président d'Analog Devices en charge de la spécialité. Ces associations sont invisibles pour le consommateur. » Invisibles, certes, mais, dans le cas des applications médicales, fort utiles. Ainsi, la société suisse Sensimed s'est associée à STMicroelectronics pour mettre au point la lentille Triggerfish. Le Mems de STMicroelectronics capte les changements de pression de l'oeil et les transmet à un récepteur attaché autour du cou. Le système permet de faciliter le traitement du glaucome, une maladie du nerf optique, deuxième cause de cécité dans le monde. Les Mems seront intimement associés à la médecine du XXIe siècle.Pascal Boulard
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