Les juges montent en première ligne

Marques, brevets, dessins et modèles, logiciels? L'actif immatériel d'une entreprise est devenu un enjeu majeur pour pérenniser son avenir. Toute société, y compris les PME, doit être prête à agir contre des produits contrefaits. Mais elle ne peut pas le faire n'importe comment. De plus en plus sensibles à la propriété intellectuelle, les juges n'hésitent toutefois pas à encadrer davantage les moyens d'action judiciaire.L'un des instruments phares entre les mains d'une entreprise est la saisie-contrefaçon. Tout titulaire d'un droit de propriété intellectuelle (marque, brevet, droit d'auteur, etc.) peut en effet se rapprocher d'un président de tribunal de grande instance (TGI) pour obtenir une ordonnance de saisie-contrefaçon. Tout l'enjeu consiste à obtenir davantage de preuves contre un éventuel contrefacteur. Donc l'entreprise titulaire par exemple d'une marque doit apporter un début de preuve au président du TGI. Si ce magistrat est convaincu de ces premiers éléments, il délivrera plus facilement une ordonnance de saisie-contrefaçon. Grâce à cet outil juridique, un huissier de justice (accompagné parfois par un conseil en propriété industrielle) va se rendre chez le contrefacteur présumé pour recueillir un maximum de preuves afin de connaître l'origine et l'étendue de la contrefaçon. L'entreprise bénéficiaire de la saisie-contrefaçon dispose ensuite d'un délai de quinze jours pour assigner au fond le contrefacteur présumé.magistrats pointilleuxMais l'huissier de justice ne doit surtout pas outrepasser sa mission fixée dans l'ordonnance. Dans un arrêt du 2 avril 2009, la première chambre civile de la Cour de cassation a été claire sur ce point. Concrètement, la société Scooter revendiquait un droit d'auteur sur un modèle de boucles d'oreilles dénommé Boop Tobago, commercialisé début 2003 par la société H&M. La cour d'appel de Paris a validé, en 2007, le procès-verbal de la saisie-contrefaçon et condamné H&M pour contrefaçon à verser des dommages et intérêts. Mais la Cour de cassation n'a pas du tout suivi les juges du fond, estimant que l'huissier de justice ne pouvait pas, dans le cadre de sa mission, présenter une paire des boucles d'oreilles afin d'obtenir sur place des déclarations spontanées. Autrement dit, la haute juridiction reproche en quelque sorte à l'huissier de justice d'avoir fait pression pour recueillir des témoignages.Les magistrats deviennent également plus pointilleux sur un autre arsenal juridique qu'est la demande d'information. Prévue dans le code de propriété intellectuelle, cette demande intervient après que le contrefacteur a été assigné devant la justice. Mais surtout, comme l'indique un jugement du TGI de Paris du 12 novembre 2008, elle n'est pas possible avant que la juridiction saisie se soit prononcée sur le fond de la réalité de la contrefaçon.La demande d'information auprès de l'entreprise contrefactrice consiste en fait à mieux évaluer son préjudice afin de fixer ses prétentions de dommages et intérêts. Elle doit être aussi précise dans sa rédaction. Le juge de la mise en état y veille avant de délivrer ou non son ordonnance. Par exemple, la demande d'information doit porter sur la quantité de tel produit ayant permis à l'entreprise contrefactrice de réaliser un certain chiffre d'affaires sur une année précise et un territoire défini. Le plus souvent, l'entreprise contrefactrice fournit les informations demandées. Sinon elle risque d'être sous la menace d'astreintes. frédéric hasting
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