L'éditorial de Sophie Gherardi : Le péril gros

Quand les Français mangeaient des sandwichs rillettes avec un verre de rouge et du gâteau de riz, ils n'étaient pas gros. La soupe poireaux-pommes de terre supportait sa grosse cuillère de crème fraîche ou son solide morceau de beurre, le bifteck avait ses frites et on n'était jamais privé de dessert, sauf quand on était petit et pas sage. Pourtant, les gros lards étaient rares. Vendredi, le président Sarkozy a annoncé dans un communiqué le lancement d'un Plan de lutte contre l'obésité sur trois ans destiné à «enrayer la progression de cette maladie». Ce plan ne porte pas de numéro et c'est dommage car ce doit bien être le cinq ou sixième dont on entend parler depuis une quinzaine d'années. Les chiffres sont d'ailleurs assez flous et la première chose à faire serait sans doute d'avoir une vision précise du phénomène.Névroses alimentairesMais une chose est sûre, l'obésité va de pair avec le mode de consommation à l'américaine. Dans tous ses travers : d'un côté, la suralimentation des classes défavorisées, de l'autre les névroses nutritionnelles des classes éduquées. Les malheureuses familles grasses et l'air en mauvaise santé qu'on voit pousser des chariots débordants de céréales, chips, charcuterie premier prix et autres sodas dans les allées des supermarchés font certes pitié. Mais pas beaucoup plus que les malheureuses ménagères qui traquent le sirop de glucose-fructose et les acides gras partiellement hydrogénés sur des étiquettes exigeant des yeux de joaillier et un diplôme supérieur de biochimie. La clientèle grainophage des épiceries bio, elle, forme une secte en croissance plus rapide que celle des femmes à burqa. En matière de lutte contre l'obésité, que l'OMS a officiellement qualifiée d'épidémie en 1997, des petits progrès ont été faits ici et là, mais la question ne sera jamais réglée tant que les industriels de l'agro-alimentaire et de la pharmacie seront les principaux experts consultés dans la lutte contre l'obésité. Et les principaux financeurs des recherches sur la nutrition. Tout indique que l'épidémie d'obésité n'est pas dûe seulement à l'ingestion d'un excès de calories et au manque d'activité physique, mais à un véritable empoisonnement par un certain nombre d'ingrédients de la nourriture produite industriellement. Les enfants obèses ne sont coupables d'aucun vice de comportement : leurs parents les nourrissent comme ils peuvent, avec ce qu'ils trouvent dans le commerce. C'est là que se niche la solution.
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