BP englué mais pas encore coulé

Les stripteaseuses du Mimosa Dancing Girls Club auront-elles la peau de BP?? Ce bar à hôtesses, en banlieue de La Nouvelle-Orléans, a très officiellement déposé une demande de compensation à la compagnie pétrolière. L'explication?: les pêcheurs étaient ses principaux clients et, la marée noire leur ayant fait perdre leurs revenus, ils ne viennent plus se détendre.Plus de deux mois après l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon le 20 avril dernier dans le golfe du Mexique, la marée noire n'est toujours pas endiguée. La catastrophe environnementale dépasse désormais largement - en quantité de pétrole écoulé - celle de l'« Exxon Valdez », de l'« Erika » ou de l' « Amoco Cadiz ». Mais l'affaire prend aussi un tour très sérieux pour la survie du groupe pétrolier. Car l'addition commence à sérieusement s'allonger. La valorisation boursière de BP a fondu de moitié - 60 milliards de livres envolés (72 milliards d'euros) et l'entreprise a déjà dépensé 2 milliards de dollars (1,6 milliard d'euros) pour tenter d'arrêter la fuite, commencer le nettoyage et verser des chèques de compensation à des pêcheurs ou des petites entreprises directement touchées par la marée noire. Et ce n'est qu'un début. L'estimation du coût total pour BP varie actuellement entre 10 et 40 milliards de dollars, selon les analystes. À titre de comparaison, l'«Exxon Valdez », marée noire en Alaska en 1989, a coûté 4,3 milliards de dollars à Exxon Mobil.La seule certitude concerne le fonds de compensation des victimes, qui s'élève à 20 milliards de dollars. Ce chiffre n'est officiellement pas une limite, mais dans la mesure où la Maison-Blanche l'a accepté, il donne une idée de ce que BP pourrait avoir à débourser. BP a déjà reçu 65.000 demandes de compensation, qui viennent de partout?: hôtels, pêcheurs, éleveurs de crevettes, et donc... filles du Mimosa Dancing Girls Club. À cela s'ajoute les probables poursuites en justice. L'administrateur du fonds de 20 milliards de dollars, Kenneth Feinberg, a indiqué que ceux qui acceptaient l'aide d'urgence de BP pouvaient dans un deuxième temps poursuivre l'entreprise en justice, s'ils le souhaitaient.Enfin, l'amende que recevra BP des autorités américaines est une dernière grande incertitude financière. Le problème est que tout dépend de la quantité de pétrole qui fuit. La loi prévoit une amende de 1.?100 dollars par baril répandu dans la mer, qui pourrait monter à 4.?300 dollars si BP est jugé coupable « d'extrême négligence ». Le gouvernement américain estime désormais entre 35.000 et 60.000 barils par jour la quantité de pétrole qui s'échappe dans la mer, mais l'entreprise en récupère dorénavant jusqu'à 25.000 par jour. Dans le pire des cas, si la fuite n'est pas colmatée avant le mois d'août (quand les puits de secours actuellement en forage devraient être terminés), près de 5 millions de barils se seront épanchés dans le golfe du Mexique. Soit une amende maximum de plus de 20 milliards de dollars. Au total, l'estimation haute de 40 milliards de dollars n'est pas complètement irraisonnée. D'autant plus que la saison des ouragans, d'août à octobre, pourrait alourdir la facture. « Actuellement, l'essentiel du pétrole n'a pas atteint les côtes, ce qui limite les dommages. Mais un ouragan pourrait changer cela. »Hors l'aléa climatique, cependant, le scénario du pire semble improbable. L'amende sera quatre fois moindre si « l'extrême négligence » n'est pas prouvée. Et la quantité de pétrole déversée sera sans doute nettement inférieure à 5 millions de barils. Certains analystes pensent que l'amende ne dépassera pas 5 milliards de dollars. Par ailleurs, BP ne sera pas la seule entreprise à payer. D'abord, le gisement appartient à 65 % à BP, mais aussi à 25 % à l'américain Anardako et à 10 % au japonais Mitsui. De plus, face à la justice, d'autres entreprises pourraient partager la faute?: Halliburton, son constructeur, Transocean, le propriétaire de la plate-forme...Enfin, même en cas de scénario du pire, BP est une entreprise aux reins financiers solides, qui a dégagé 23,2 milliards de dollars de bénéfice opérationnel l'an dernier. Les analystes de la Société Généralecute; Générale prévoient que BP aura cette année « entre 15 et 20 milliards de dollars disponibles » entre sa trésorerie et de nouveaux emprunts potentiels. Une partie devait aller à un dividende, mais il est maintenant annulé jusqu'au troisième trimestre 2009. Quant au fonds de compensation, il ne sera financé que progressivement?: 5 milliards de dollars cette année, puis 5 milliards de dollars par an pendant trois ans.Reste la question de l'OPA. Actuellement, la valorisation de BP n'est plus que le tiers de celle d'Exxon Mobil. « Si BP veut se défendre, il le pourra, estime pourtant Charlie Maxwell, analyste à Weeden & Co, l'entreprise a le soutien des banques, et les lois antitrust lui sont favorables, posant par exemple un problème si Shell voulait faire une offre. » De plus, Robert Faulkner, de la London School of Economics, s'interroge?: « Qui voudrait acquérir aujourd'hui la responsabilité du dédommagement de la marée noire?? »Selon les analystes de Standard Chartered, PetroChina pourrait être tenté, s'achetant ainsi une forte présence en Europe et aux États-Unis. « Je ne pense pas que cela se produira, réplique Wang Aochao, directeur de recherche à UOB-Kay Hian, les compagnies chinoises préfèrent acheter de petites entreprises à l'étranger. » À cela s'ajoute un problème politique?: en 2005, le Congrès américain s'était opposé à l'acquisition d'Unocal par le chinois CNOOC. La même logique s'impose pour les compagnies russes. Un dernier scénario est envisageable?: le retrait de BP des États-Unis. « BP pourrait utiliser cette opportunité unique pour concentrer son entreprise en Afrique, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient, où la croissance est à venir, laissant l'Europe et les États-Unis derrière eux », estime Charlie Maxwell.La Société Généralecute; Générale calcule que la capitalisation boursière théorique des actifs américains de BP dépasse celle du groupe aujourd'hui. Malgré la marée noire, et dans un monde toujours très dépendant du pétrole, BP est une société qui vaut encore beaucoup d'argent. La compagnie pétrolière, engluée pour longtemps par la catastrophe écologique, n'est pas encore coulée. Éric Albert, à LondresLa marée noire pourrait coûter à la compagnie pétrolière jusqu'à 40 milliards de dollars. De quoi fragiliser un groupe dont la capitalisation boursière a déjà chuté de moitié. Mais les analystes se veulent plutôt rassurants sur sa survie.
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