La finance islamique, un marché de niche en Grande-Bretagne

BanqueLe regard amusé derrière ses lunettes, Amelia est venue changer de paroisse. Ou presque. À 63 ans, la Britannique, exaspérée par le scandale des bonus, s'apprête à confier son argent à l'Islamic Bank of Britain (IBB), le seul établissement bancaire britannique entièrement islamique. « Je pense qu'ils ont une politique vraiment éthique, en refusant d'investir l'argent dans des entreprises qui sont liées à l'armement ou à la pornographie. D'une certaine manière, ils suivent mes principes chrétiens. » Ce jour-là, dans l'agence de l'IBB à East Ham, un quartier pauvre de l'est de Londres, elle a ouvert un compte épargne, espérant se détacher ? un peu ? des établissements qui ont précipité la crise.Amelia demeure une exception, IBB ayant très majoritairement des clients musulmans. Mais elle marque une tendance intéressante. « Depuis la crise, nous recevons beaucoup de demandes de la part de non-musulmans », explique Imran Pasha, directeur de la banque de détail d'IBB. Progressivement, la banque islamique sort de l'anonymat. IBB a fêté ses 5 ans cette semaine et près d'une demi-douzaine de banques britanniques offrent des produits respectant la charia, notamment HSBC et Lloyds TSB. Le nombre de clients utilisant des produits bancaires islamiques en Grande-Bretagne est estimé entre 100.000 et 400.000 (les banques ne fournissent pas leurs chiffres). L'explosion annoncée n'a cependant pas eu lieu.IBB espérait huit agences dès la fin de sa première année ; elle en a tout juste neuf aujourd'hui. Avec 48.000 clients et 153 millions de livres (170 millions d'euros) d'encours, elle ne pèse presque rien dans le paysage bancaire. « Nous devons encore éduquer le marché, reconnaît Imran Pasha. Beaucoup de personnes, y compris les musulmans, ne connaissent pas la banque islamique. »Cette petite taille limite aussi les services d'IBB. Mourat, un Franco-Algérien qui vit à Londres, peste devant le distributeur de l'agence d'East Ham : « Je suis content d'être dans une banque qui respecte ma religion, mais ce n'est pas pratique. Par exemple, je ne peux pas vérifier le solde de mon compte depuis les distributeurs d'argent des autres banques », ce qui est possible dans tous les autres établissements sur le sol anglais. touchée par la crisePar ailleurs, si les banques islamiques ne s'exposent pas aux actifs toxiques, elles sont touchées par la chute des marchés. Le principe de base est de rejeter les taux d'intérêt. À la place, la banque investit les encours des clients et partage ensuite les bénéfices générés. Mais la crise est passée par là. Au premier semestre, IBB a réalisé une perte de 4,6 millions de livres (5,1 millions d'euros).Dans un souci de mieux répondre aux besoins des clients, les produits se diversifient. Depuis deux ans, l'équivalent de prêts immobiliers a été introduit grâce à un aménagement de la loi britannique. L'équivalent d'obligations existe aussi. Et le potentiel demeure : « Il y a deux millions de musulmans en Grande-Bretagne. Nous avons 48.000 clients. Notre industrie n'en est qu'au début de sa croissance », estime Imran Pasha.
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