« La directive européenne UCITS peut pénaliser la performance des hedge funds »

Pour de nombreux gérants de hedge funds, l'enveloppe UCITS (*) n'a pas été faite pour ce type de produits. Partagez-vous ce point de vue ?Le choix de l'enveloppe UCITS est privilégié en ce moment par un certain nombre de gérants pour répondre à une demande de meilleure sécurité opérationnelle de l'investissement dans les hedge funds. Cependant, même si l'enveloppe UCITS « sophistiquée » donne plus de souplesse à la gestion et permet notamment la mise en place de stratégies à effet de levier, un grand nombre de professionnels restent dubitatifs sur l'intérêt de ce type d'enveloppe réglementaire pour promouvoir la gestion alternative en Europe. C'est ce qui ressort d'une étude effectuée par l'Edhec-Risk Institute dans le cadre de la chaire Caceis. La très grande majorité des quatre cent trente-trois gérants et investisseurs internationaux que nous avons interrogés pensent que le cadre UCITS va devenir de plus en plus populaire dans l'industrie européenne des hedge funds mais, dans le même temps, est consciente des contraintes quantitatives et de liquidité qu'impose UCITS pour la mise en oeuvre de certaines stratégies de hedge funds. L'analyse que nous avons conduite avec Samuel Sender montre que même si globalement plus de 80 % des hedge funds, pour chaque stratégie, respectent la contrainte de VaR [Value at Risk, contrainte de risque maximale du fonds, Ndlr] mise en oeuvre dans UCITS, de nombreuses difficultés rendent néanmoins ce cadre réglementaire pénalisant pour la performance des fonds. Qu'il s'agisse des restrictions imposées sur les actifs illiquides, sur la concentration des actifs ou sur l'emprunt de titres et les ventes à découvert, les règles de gestion des UCITS sont perçues comme de vraies limites pour une majorité de professionnels.Le développement d'une offre de produits alternatifs UCITS est-il structurel ?Malgré les difficultés techniques que nous avons évoquées, les résultats de notre étude montrent que les hedge funds UCITS sont promis à un grand avenir, non seulement parce que le flou et la mauvaise conception du projet de directive AIFM [sur la gestion alternative, Ndlr] apparaissent comme un repoussoir, mais aussi parce qu'aujourd'hui le cadre UCITS est le seul outil juridique permettant d'assurer une distribution paneuropéenne vers la clientèle des particuliers. Par ailleurs, cette enveloppe réglementaire autorise de nombreux investisseurs institutionnels ? comme les assureurs ou les caisses de retraite en France ? à investir sans restriction dans la gestion alternative. En France, la régulation prudentielle est probablement la principale responsable de cet engouement vers une structure juridique inadaptée à ce type d'investissement.Avec UCITS, on donne aux particuliers l'accès à certaines stratégies alternatives. Sont-ils pour autant protégés ? Les risques opérationnels ou à la « Madoff » sont-ils éliminés ?Il est clair que le cadre UCITS réduit fortement le risque opérationnel tant par les règles de transparence, de valorisation que par l'obligation de restitution des actifs par le dépositaire qui, dans certains pays, est immédiate et non conditionnée à une quelconque faute ou défaillance de ce dernier. Cette sécurité accrue ne signifie pas que la seule réglementation UCITS suffit à protéger totalement l'épargnant. Faute d'une réglementation européenne du dépositaire, il faut s'en remettre à des interprétations et règles nationales pour qualifier le degré de protection juridique des investisseurs. Il convient de se rappeler que les fonds luxembourgeois emblématiques de la fraude Madoff en Europe étaient des fonds UCITS.Les fonds UCITS nécessitent un dépositaire. Une consultation sur la définition et les responsabilités du dépositaire est en cours. Cela pose la question du transfert des risques. Le dépositaire doit-il tout assumer ?La question est d'importance. Si un transfert massif des investissements alternatifs s'effectuait au profit de fonds labellisés UCITS et que, dans le même temps, on confirmait dans le cadre d'une législation européenne une obligation immédiate et non conditionnelle de restitution des actifs par le dépositaire en cas de difficultés de ce type de fonds, je doute, d'une part, que les fonds propres des dépositaires soient adaptés à un tel niveau de risque et, d'autre part, que les tarifs des prestations de ces derniers ne se voient pas augmentés d'une prime d'assurance coûteuse qui pénaliserait fortement la performance de l'investissement. Un dépositaire ne peut garantir la sécurité d'actifs ou de valeurs qu'il ne conserve pas directement ou dont il n'assure pas indirectement la surveillance. C'est dans cet esprit que les obligations de restitution peuvent être contractuellement limitées dans certains fonds Aria [à règles d'investissement allégées, Ndlr]. Dans cette perspective, on voit mal comment une « Ucitisiation » des hedge funds pourrait ne pas avoir d'influence sur la conception de la future réglementation européenne sur les rôles et responsabilités du dépositaire. n(*) Directive européenne sur les OPCVM.
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