La Marine nationale part en guerre contre Areva

Après s'être chamaillée avec EDF sur le dossier du combustible nucléaire, la présidente du directoire d'Areva, Anne Lauvergeon, s'offre le luxe d'ouvrir un nouveau front. Avec la défense, cette fois-ci, et plus particulièrement la Marine nationale. La raison ? La réorganisation d'Areva en business units (BU) avec création d'une direction de l'ingénierie unique au groupe, effective depuis la semaine dernière, inquiète fortement le ministère de la Défense. L'enjeu ? Les militaires craignent la dilution, sinon la disparition, du savoir-faire unique d'Areva TA (ex-Technicatome), dans une entité beaucoup plus vaste. Cette filiale à 100 % du groupe conçoit et réalise les chaufferies nucléaires de propulsion navale sur les sous-marins (SNLE et SNA) et porte-avions (« Charles-de-Gaulle ») de la Marine. Une nouvelle entité trop vaste peut-être, analyse-t-on, pour que les enjeux de la défense restent toujours aussi prioritaires, au regard des défis à l'export d'Areva pour ses EPR très consommateurs d'ingénieurs de haut niveau. Areva recrute déjà tous azimuts au sein du ministère des chefs de projet.Cette inquiétude est renforcée par les explications peu précises ? donc peu rassurantes ? fournies par Areva, au plus haut niveau, aux questions détaillées des militaires, soucieux de préserver ces compétences. « Quelles sont les motivations d'Areva dans cette réorganisation ? » Ces craintes sont partagées en interne chez Areva TA : « Les salariés sont très attachés à répondre dans les délais et avec la qualité maximale aux besoins de la Marine nationale, explique-t-on à La Tribune. Cette réorganisation nous inquiète. » Ce qui a conduit les administrateurs salariés d'Areva TA à adresser un courrier de sensibilisation à François Roussely, chargé d'un rapport sur la filière nucléaire, et au ministère de la Défense.crainte sur le secret-défenseConcrètement, « il existe trois risques pour la défense », explique-t-on à « La Tribune ». D'abord, la « fuite des cerveaux » d'Areva TA vers des projets plus ambitieux tels que l'EPR. Notamment des ingénieurs spécialistes du contrôle commande des chaufferies embarquées. Le départ de Siemens, spécialisé dans ce domaine, d'Areva NP, avive les inquiétudes, partagées par le CEA. Deuxième risque, la mutualisation des systèmes de communication au sein d'une direction de l'ingénierie unique : fait craindre aux militaires des trous dans la confidentialité du secret-défense. Voire des risques de prolifération, dramatise-t-on. D'autant qu'Areva attend de nouveaux actionnaires dans son capital, le japonais Mitsubishi, partenaire de longue date d'Areva, le fonds souverain du Qatar et celui du Koweït étant cités comme des investisseurs potentiels. Enfin, les militaires veulent des garanties en cas d'éventuel changement d'actionnaires et exigent un découpage précis des activités d'Areva TA. C'est ce qu'avait fait EADS à sa création pour protéger les activités de missiles balistiques.Chez Areva, en interne, on assure que « le lien entre Areva TA et le ministère n'est pas remis en cause par la réorganisation ». Après de nombreux échanges, dont ceux entre Anne Lauvergeon et l'Élysée, il a été convenu que le groupe s'engage à maintenir les compétences du nucléaire militaire. La défense attend maintenant des actes concrets.
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