Carole Podetti-Ngono, les valeurs citoyennes en Afrique du Sud

Carole Podetti-Ngono arpente les allées d'une petite salle de classe. À l'école primaire Hlakaniphani de Soweto, l'énergique brune au large sourire interpelle des écoliers de CM1 : « Alors qu'est-ce qu'un droit ? Un devoir ? Que signifie l'agora ? » Depuis dix ans, cette Française originaire de Mantes-la-Jolie, parcourt les établissements scolaires de cinq provinces sud-africaines. Son objectif : donner aux enfants un véritable sens des valeurs citoyennes. Dans un pays miné par l'un des plus hauts taux de criminalité au monde, 31 % des suspects inculpés pour meurtre ont moins de 19 ans, 33 % des enfants ont été victimes ou témoins de violences domestiques. Carole Podetti-Ngono crée alors en 2000 le programme « valued citizens », des « citoyens précieux ». « L'Afrique du Sud est en pleine crise identitaire. Plusieurs générations ont été opprimées par un régime ségrégationniste, traitées comme des sous-hommes. Maintenant, la jeunesse n'a souvent aucune notion de ce que peut être la justice sociale. À travers nos ateliers éducatifs, nous essayons d'apprendre aux écoliers ce qu'est l'État de droit. Mais il s'agit surtout de développer l'amour- propre, de leur donner confiance en eux et de les responsabiliser. Ceux qui prennent conscience de leur rôle dans la société comprennent qu'ils peuvent changer les choses », explique la quadragénaire, animée par un éternel optimisme. Sensible et philanthropeSa détermination a payé. Alors qu'elle a lancé seule cette initiative, l'ONG emploie aujourd'hui 23 personnes. En dix ans, 423.000 écoliers ont bénéficié de ses programmes dans 1.605 écoles, parmi les plus violentes du pays. 85 % des élèves « valued citizens » obtiennent leur « matric », le baccalauréat sud-africain, alors que la moyenne nationale plafonne à 60,7 %. Rien pourtant ne la prédestinait à devenir cette éducatrice sensible et philanthrope. Rien, sauf peut-être cette rencontre au Trocadéro avec un sans-abri lorsqu'elle était étudiante à Paris. « Monsieur Bell était passionné de philosophie. Nous discutions pendant des heures de Socrate ou de la citoyenneté. Lorsqu'il est mort en 1995, bien des années plus tard, j'étais la seule présente à son enterrement. Nos échanges m'ont profondément marquée et inspirée. »Pendant quinze ans, elle travaille en France dans la communication de grandes compétitions sportives. Et puis, il y a eu ces vacances en 1997 dans le pays de Nelson Mandela. « Je suis tombée amoureuse des gens d'ici. C'est un pays dur avec des problèmes sociaux très profonds. Mais, je suis toujours étonnée par l'énergie exceptionnelle et la capacité de résilience de la plupart des Sud-Africains qui ont vécu des atrocités. » Elle ne quittera plus jamais vraiment cette terre d'accueil. Ses deux enfants naissent à Johannesburg. Pourtant, plusieurs fois avec ses proches, Carole Podetti-Ngono fait l'expérience de cette violence crue. Malgré les blessures, elle décide de rester. « Je suis maintenant la mère de ces milliers d'enfants, ceux qui construisent la nation arc-en-ciel. Le coeur des Sud-Africains a été brisé par l'apartheid, mais un coeur ouvert, c'est un coeur prêts à s'ouvrir sur le monde. »
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