Pourquoi la quadrature du cercle nous guette

« Comme d'autres le cannabis, on cultive chez nous le vague à l'âme, petite drogue douce et délétère », disait de la France François Mitterrand. À en croire les unes des magazines ces derniers temps, à écouter gronder la révolte sur fond de conflits sociaux à répétition, on ne peut que donner raison à l'ancien président de la République. À quoi attribuer ce fameux vague à l'âme ? Sans doute à notre ambivalence légendaire qui se résume à « tout garder et avancer », entre rester fidèles à nos valeurs et envie de voir les choses changer.Le dossier des retraites est à ce sujet édifiant : chaque Français en son âme et conscience sait la réforme nécessaire mais la nostalgie du passé continue de gangrener les groupes. Les patrons constatent avec regret la peur des Français face à la mondialisation en même temps que leur souhait de rester dans la course et garder la tête haute. On nous a souvent définis comme une société de schizophrènes. Le mot est même entré dans le discours patronal. Rien d'étonnant quand on sait que le terme d'ambivalence a été introduit en 1910 par Eugen Bleuler pour caractériser un aspect de l'état psychique des schizophrènes. Il a été repris par Sigmund Freud de façon beaucoup plus « light » pour illustrer la juxtaposition de deux affects : l'amour et la haine. Ce qui, selon lui, n'est possible que dans certaines conditions psychologiques particulières et grâce à leur caractère inconscient.Mais l'ambivalence désigne aussi un autre phénomène, révélé par d'autres courants psy et qui s'illustre dans le comportement du profil « passif-agressif ». Le « passif-agressif » s'apparente à beaucoup d'égards au profil névrotique du Français. Râleur, passant son temps à dénigrer ce qu'il a, à déplorer ce qu'il n'a pas, facilement en colère et l'exprimant à mauvais escient, il est cependant rétif à tout changement et toute évolution et se plaint d'être incompris. Sa grande force est sa capacité de résistance.Comment dans ces conditions sortir de l'impasse ? Car ce type de personnalité a rarement conscience de son agressivité, puisqu'il se ressent comme un éternel soumis, victime du pouvoir des autres. Et toute aide venue de l'extérieur est vécue comme nuisible. Inextricable ? Difficile à gouverner, c'est certain. Puisqu'il passe dans le triangle « victimaire » aux différents rôles de victime, persécuteur et sauveteur avec une facilité déconcertante. D'où en victime du système, une propension à projeter sa problématique personnelle dans une cause externe : défense d'un système, d'une corporation. On en revient au fameux dossier des retraites mais aussi au désenchantement européen.Tout le problème de ce type de fonctionnement est qu'il n'est jamais vécu comme étant un problème en soi. Pis : le « passif-agressif » a la phobie de l'engagement. Ambivalent entre s'investir et fuir, entre peur de se risquer ou sentiment de passer à côté de quelque chose d'essentiel. La quadrature du cercle nous guette. Ce qui explique le cri d'alarme de ceux qui disent que la France va dans le mur ou se marginalise dans le concert mondial.Alors demain ? Car il faudra bien sortir de cette impasse au risque de tomber sinon dans la dépression généralisée. Pour la grande psychanalyste Mélanie Klein, l'ambivalence est en effet le propre de la position dépressive. Mais pas question de forcer le traitement. Comme on le voit actuellement, cela a toutes les chances de casser. Car un passif-agressif ne supporte pas qu'on lui tende... un miroir, d'autant qu'il ne s'y voit pas ! Ici, il faut y aller doucement pour ne pas porter un coup au narcissisme et à la fierté. Non, la piste à explorer serait de sortir les Français de leur posture nombriliste pour les porter à s'intéresser plus à ce qui se passe à l'extérieur qu'à l'intérieur des frontières de l'Hexagone. Bref, trouver un référent. Reste à trouver le « bon objet ». Voilà un programme pour 2012...ParSophie Péters Éditorialiste
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