Les petits prix gagnent la partie

Les résultats de Danone illustrent à eux seuls le nouveau phénomène qui touche cette année la grande consommation. Au troisième trimestre, les ventes du fabricant de yaourts ont augmenté de 4,1 %. Mais cette croissance se décompose en un effet volume de + 7,1 % et un effet valeur de ? 3 %. Autrement dit, c'est la nouvelle stratégie de promotion et de mise en avant de produits plus abordables ou dans de plus gros contenants qui a séduit les consommateurs. Bien plus que les yaourts toujours plus sophistiqués et donc plus chers, type Actimel, Activia et feu Essensis, autrefois seuls moteurs de la croissance. L'entreprise de Franck Riboud a en effet été une des premières à s'adapter aux nouvelles attentes des consommateurs.Depuis le début de la crise, les Français chassent les bonnes affaires, ne jurent que par les marques de distributeurs, le fait maison et n'hésitent plus à troquer une marque ou une catégorie contre une autre, moins chère : de L'Oréalcute;al à Nivea, des pâtes fraîches aux pâtes sèches, de l'institut de beauté aux crèmes dépilatoires de supermarché, etc. têtes de gondoleSelon une étude TNS Sofres publiée la semaine dernière, ils sont 63 % à considérer les courses comme une corvée, 59 % à se déclarer indifférents aux marques et 74 % à juger la publicité ennuyeuse. La vraie déprime ! « Certains consommateurs nous disent ne plus regarder les têtes de gondole, par peur de craquer », s'étonne le directeur Insights chez Iri, Jacques Dupré.Selon lui, le premier point de rupture date de 2008. L'inflation sur les matières premières, de l'ordre de 4,5 %, a entraîné pour la première fois depuis des décennies une baisse des volumes consommés de 1,5 %. Et la frénésie de montée en gamme des consommateurs, qui se traduisait par une valorisation de 1 % en moyenne chaque année, s'arrête net. Plus grave, en 2009, l'inflation s'est calmée à 0,5 %, les volumes sont donc repartis, à + 1,5 %, mais la valorisation est pour la première fois de son histoire négative, à ? 0,1 %. C'est particulièrement saillant sur certaines catégories comme les yaourts (? 0,7 %), le beurre (? 1,5 %) ou le champagne (? 3 %).Alors même que les prix baissent, le consommateur n'en profite plus pour se faire plaisir en achetant « mieux » et plus cher. Mais le phénomène est généralisé. « Seuls 35 % des familles de produits se valorisent encore en 2009, alors qu'elles étaient 68 % en 2007 », constate Jacques Dupré. La spirale s'alimente toute seule. Face à la sinistrose des consommateurs, les distributeurs interdisent les hausses de prix et encouragent les promotions. « Cet été, on atteignait des taux de ristourne de 50 %, voire 60 % », s'étrangle le PDG de Solinest (Mentos, Ricola, etc.), Bertrand Jacoberger. À l'image de Carrefour, ils multiplient aussi les gammes de marques propres discount.Pour ne pas perdre trop de parts de marché, les grands fabricants ripostent. Danone n'est pas le seul. Procter & Gamble, Nestlé ou L'Oréalcute;al multiplient les produits d'attaque, moins sophistiqués et moins chers sur leurs marques classiques Pampers, Nescafé ou Garnier. La stratégie est judicieuse. « En gagnant des clients, nous serons sur la première ligne quand la crise sera terminée », souffle-t-on chez Danone. Traduisez, pour augmenter de nouveau les prix. Mais elle est aussi dangereuse pour les marges à court et à moyen terme.Du coup, les mêmes qui, au gouvernement, s'inquiétaient hier de la trop grande augmentation des prix se penchent désormais sur les conséquences de ce nouveau modèle de consommation. C'est en tout cas le premier thème débattu aux Assises de la consommation, qui s'ouvrent ce matin sous la présidence du secrétaire d'État chargé du commerce et des PME, Hervé Novelli. n
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