La société mère est présumée responsable

Les juges français considèrent de plus en plus souvent qu'une société mère est responsable des agissements et infractions de ses filiales. Et la justice européenne confirme cette tendance en droit de la concurrence. Dans un arrêt du 10 septembre dernier, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a ainsi, pour la première fois, dégagé une présomption simple (ou dite réfragable) de responsabilité de la société mère en matière d'entente du fait du comportement de ses filiales. Cette présomption est reconnue lorsqu'elle détient 100 % du capital de chacune de ces sociétés.Que s'était-il passé ? Dans les années 1990, la Commission européenne ouvre une enquête sur le secteur du chlorure de choline, principalement utilisé dans l'industrie de l'alimentation animale comme additif alimentaire. Elle relève alors une entente de plusieurs entreprises de ce secteur dans l'Espace économique européen (EEE). Parmi les sociétés visées figurent plusieurs filiales du groupe Akzo Nobel. La Commission européenne constate notamment un ensemble d'accords et de pratiques concertées ayant porté sur la fixation des prix et le partage des marchés, entre mars 1994 et octobre 1998. Des actions concertées auraient également été opérées à l'encontre des concurrents dans le secteur du chlorure de choline dans l'EEE.L'institution communautaire condamne alors solidairement le groupe Akzo Nobel à payer une amende de 20,99 millions d'euros pour les infractions d'entente constatées chez ses filiales. Ce que la société mère a contesté devant la justice européenne, avançant entre autres qu'elle ne pouvait pas être personnellement responsable des agissements de ses filiales. Dans son arrêt du 10 septembre dernier, la CJCE ne l'a pas du tout suivie.Pour les juges européens, la société mère détenait 100 % du capital de chacune des sociétés concernées. Par conséquent, pèse sur elle une présomption réfragable de responsabilité en droit de la concurrence. En clair, il est présumé que la société mère exerce forcément « une influence déterminante sur le comportement de sa filiale » en la détenant à 100 %. Pour se disculper, la société mère va désormais être obligée d'apporter les preuves de la totale autonomie de sa filiale dans ses prises de décision.Certes, mais comment faire ? Dans son arrêt du 10 septembre, la CJCE envisage la question. Il faut ainsi fournir des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché. Ce qui suppose d'avancer des pièces détaillées sur les liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle et sa filiale. Mais surtout il est primordial pour la société mère de démontrer qu'elle ne donne pas d'instructions à sa filiale. Ce qui, autrement dit, peut s'avérer particulièrement difficile.adopter des procéduresAvec cette notion de présomption réfragable dégagée par la CJCE, les sociétés mères ont peut-être intérêt à revoir leurs liens capitalistiques avec chacune de leurs filiales. Elles doivent également mettre en place en interne des procédures permettant de prouver l'autonomie de leurs filiales dans leurs prises de décision. La présomption posée par la CJCE sera très certainement prise en compte rapidement par les instances nationales en charge de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles. À n'en pas douter, en France, les services de l'Autorité de la concurrence et les juges de la cour d'appel de Paris l'ont déjà intégré dans leurs raisonnements et leurs pratiques au quotidien. Frédéric Hastingsconcurrence
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