Dumping social par la Chine au Groenland

Le Groenland est une terre pleine de richesse sous sa calotte glacière (qui, du reste, fond très vite). Or, cet immense territoire, grand comme quatre fois la France et peuplé de seulement 56.000 âmes, cherche de plus en plus à s’assurer son autonomie vis-à-vis de sa métropole danoise. En 2009, Copenhague a concédé une vaste autonomie à Nuuk, la capitale du Groenland, se réservant uniquement le monopole des affaires internationales. Mais le territoire doit encore trouver les moyens de son autonomie financière.Du fer sous la glaceDu coup, le gouvernement groenlandais voudrait bien profiter des ressources dont regorgerait son sous-sol. Voici qui a fait naître certaines ambitions, notamment celles de la société britannique d’exploitation minière London Mining. Exploitante d’une mine de minerai de fer en Sierra Leone, la compagnie a fait savoir qu’elle pourrait développer un projet de mine de fer au Groenland avec l’appui d’investisseurs chinois. Pékin, on le sait, est avide de matières premières pour alimenter son développement. Investir dans un nouveau gisement, dont la production est estimée à 15 millions de mètres cubes d’ici à 2015, est, pour l’Empire du Milieu, très intéressant.Projet immenseSelon les projections de la société, entre 2 et 2,5 milliards de dollars (entre 1,5 et 1,8 milliard d’euros) pourraient être investis. Ce serait pas moins de 2 à 2,5 fois le PIB du Groenland. C’est dire si l’affaire est alléchante pour le gouvernement du territoire. Seulement, London Mining a posé une condition. La compagnie n’est guère enthousiasmée par le droit social du Groenland hérité du colonialisme danois qui prévoit notamment un salaire minimum de 80,5 couronnes par heure, soit 10,8 euros. C\'est certes 3 euros de moins qu\'au Danemark, mais c\'est encore beaucoup trop! La société a donc posé comme condition que les conditions de travail dans sa mine ne soient pas soumises aux règles locales. En échange, quelques 3.000 Chinois devraient venir travailler pour London Mining dans des conditions définies par l’exploitant.Loi spécialeIl suffisait de demander : le parlement du Groenland s’est exécuté et a voté une loi spéciale permettant de lever les conditions de travail légales dans certains «grands projets». A Copenhague, ce vote a provoqué un tollé. L’opposition de centre-droit, les syndicats et une grande partie de la majorité de gauche ont protesté. Le conseil nordique lui-même, regroupant tous les pays du nord de l\'Europe, s\'est inquiété. Certains ont même réclamé que le gouvernement danois profite de sa capacité à agir sur les relations internationales du Groenland pour bloquer la loi. «Ce serait du colonialisme!», a rétorqué Kuupik Kleist, premier ministre du territoire qui a ajouté : «le Groenland a le droit et le devoir d’exploiter ses matières premières pour créer le bien-être de ses habitants.» Le premier ministre danois Helle Thorning-Schmidt a, du reste, rejeté toute action de Copenhague dans cette affaire.Tollé à CopenhagueLes syndicats danois ne s’en laissent cependant pas conter. Ils crient au scandale et au «dumping social» et craignent l’extension de ces exceptions. Ile menacent de porter l’affaire devant le BIT, le Bureau international du travail. A Nuuk, le ministre de l’Economie, Ove Karl Berthelsen, rappelle que la faiblesse de la main d’œuvre dans le territoire ne permet pas de répondre à de tels projets et qu’il n’y a pas de dumping social puisque «aucun Groenlandais ne va perdre son emploi en raison de cette main d’œuvre bon marché importée.»La Chine tisse sa toilePlus généralement, ces décisions posent la question des méthodes de la mainmise chinoise sur les matières premières mondiales. Au moment où Pékin continue de tisser sa toile en Afrique: la Chine vient d’annoncer un «immense» prêt à Karthoum pour «stabiliser son économie», riche en pétrole…
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