L'écriture pour dire l'indicible

livre« L'an 45 au-delà du méridien du désespoir. » Les nazis ont enfin capitulé et il faut reconstruire. Bruno Brumhart, le héros du dernier livre d'Aharon Appelfeld ? « Et la fureur ne s'est pas tue » ? a choisi d'offrir un château et de la musique aux Juifs rescapés de la Shoah pour leur rendre leur noblesse. Mobilisé dans la capitale autrichienne, le pasteur américain ? imaginé par Robert Neumann dans « les Enfants de Vienne » ? tente pour sa part d'exfiltrer vers la Suisse une bande de mômes livrés à eux-mêmes. Et chacun des deux auteurs de réussir un ouvrage en partie autobiographique, d'une puissance rare, porté par une écriture unique, seule à même de dire l'indicible.Comme Bruno Brumhart, Appelfeld a été déporté vers un camp dont il est parvenu à s'échapper pour se réfugier dans une forêt jusqu'à la fin du conflit. Comment survivre ensuite ? Bruno a décidé d'investir « dans le c?ur des hommes » tous ses biens gagnés grâce au marché noir. C'est de cette manière qu'il retrouve un sens à sa vie. Et qu'Appelfeld mène à bien une réflexion sur l'identité juive, la foi en Dieu ou en l'homme. Chaque mot ici est pesé, pensé, de manière à ce que le propos de l'auteur ne tombe dans le banal.Robert Neumann, lui, a probablement croisé les héros de son livre dans les ruines encore fumantes de sa ville natale, quittée dès 1933. Il y a là Yid, un juif allemand de 13 ans rescapé des camps de concentration. À peine plus âgé, Goy est parvenu à sortir d'un camp pour personnes déplacées. À leurs côtés, Eva, sa copine Ate, une ancienne des jeunesses hitlériennes, et des enfants. Installés dans une cave délabrée, tous vivent de prostitution et de larcins.C'est moins par la description des lieux que par le langage employé par ces gosses que Neumann donne une idée du chaos dans lequel se trouvait Vienne au lendemain de la guerre. Car ces gamins parlent un sabir composé d'allemand, de yiddish, d'argot russe ou américain. Une langue réinventée par l'auteur en 1973 alors qu'il avait publié une première version du livre en anglais en 1946. On ne remerciera jamais assez les Éditions Liana Levi de nous permettre enfin de la découvrir aujourd'hui. Yasmine Youssi « Et la fureur ne s'est pas encore tue », d'Aharon Appelfeld, Éditions de l'Olivier, 276 p., 20 ?.« les Enfants de Vienne », de Robert Neumann, Éditions Liana Levi, 216 p., 21 ?.
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