Les expertises judiciaires se font de plus en plus rares

Dans les affaires complexes, la tentation de recourir à un expert judiciaire peut être grande pour un magistrat. Elle a notamment existé dans les années 1980-1990 pour les affaires politico-financières. Aujourd'hui, le recours à l'expertise judiciaire est à un tournant. Au pénal, les praticiens constatent une baisse significative du nombre des expertises judiciaires en matière comptable et financière. Un certain nombre de parquets auraient déjà devancé la future réforme de la procédure pénale qui supprimerait le juge d'instruction. Autrement dit, les procureurs préfèrent mener les enquêtes eux-mêmes dans le cadre des enquêtes préliminaires.Par ailleurs, le recours à un expert judiciaire représente un coût. Un procureur regarde donc à deux fois son budget avant de signer la possibilité de faire une expertise et même d'autoriser un juge d'instruction à déclencher une expertise. D'autant qu'en cas de dépassements budgétaires, un procureur général risque d'être responsable devant la Cour de discipline budgétaire et financière.Accès à la justice inégal ?Dans ce contexte, les entreprises et leurs dirigeants mis en cause dans une affaire pénale hésitent de moins en moins à recourir à des expertises privées pour se défendre. Se pose alors la question de l'égalité de l'accès à la justice. Tous les dirigeants de PME ne disposeront pas des moyens financiers pour engager une expertise privée. « Si le juge d'instruction est supprimé, cela va accroître le coût d'accès à la justice pour nos clients », s'inquiète Jean-Philippe Bohringer, président de la Compagnie des conseils et experts financiers (CCEF) et directeur général du cabinet d'expertise comptable JPA Entreprises.La question se pose notamment pour les entreprises en difficulté qui font l'objet d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Comment peuvent-elles recourir à une expertise privée alors que leurs finances sont quasi inexistantes?? « Les experts-comptables ont beaucoup de difficultés à facturer leurs prestations dans ces missions particulières », indique le président de la CCEF. Au tribunal de commerce, le juge commissaire (magistrat qui surveille une procédure collective) ordonne le plus souvent des mesures d'enquête pour les dossiers sensibles en termes d'emplois. Ce type d'enquête peut déboucher sur des condamnations des dirigeants (de droit ou de fait) de l'entreprise en comblement de passif, faillite personnelle ou interdiction de gérer.Faute de moyens financiers suffisants, certains d'entre eux ne peuvent pas recourir à une expertise privée pour se défendre. « Nous conseillons à nos clients qui sont dirigeants de PME d'avoir une bonne couverture responsabilité civile mandataires sociaux », insiste Jean-Philippe Bohringer. Dans le cadre de cette couverture, un assureur peut accepter de prendre en charge les frais d'une expertise privée pour son assuré. Mais avant tout, pour s'éviter de mauvaises surprises, un dirigeant de PME a tout intérêt à mettre en place de bonnes pratiques notamment dans ses délégations de pouvoirs. Frédéric Hasting
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