"Poetry " de Lee Chang-dong, le cinéaste poète

L'ancien ministre de la Culture de Corée du Sud réussit avec "Poetry " un film aérien magnifique, porté par Yun Jung-hee, une comédienne exceptionnelle.

Gros cafouillage au dernier Festival de Cannes. On attendait le prix d'interprétation pour Yun Jung-hee l'extraordinaire comédienne coréenne de "Poetry ". C'est finalement l'excellente mais consensuelle Juliette Binoche qui a raflé la mise, laissant au film de Lee Chang-dong le prix du scénario alors que son (très) long métrage aurait mérité d'être quelque peu raccourci. Les voix du jury étant impénétrables, on ne cherchera pas à comprendre ce qui s'est finalement joué lors de la distribution des prix. D'autant que "Poetry " reste l'une des très belles surprises du Festival. Car tout ici est inattendu, du jeu des acteurs au traitement de l'intrigue.

Nous sommes donc en Corée du Sud, sur les rives du fleuve Han, dans une bourgade de la province de Gyeonggi. C'est là que vit Mija (Yun Jung-hee), 66 ans, grand-mère aussi coquette que fantasque d'un préado ronchonneur dont elle a la charge et qui passe son temps devant la télévision.

Pour subvenir à leurs besoins, elle s'occupe d'un riche commerçant impotent. Et elle a beau être atteinte d'Alzheimer, la maladie semble ne pas avoir de prise sur elle. Mija continue quoi qu'il arrive de se passionner pour tout, cherchant ce qu'il y a de plus beau dans le quotidien, se délectant du cours de poésie auquel elle vient de s'inscrire. Une vie paisible en somme. Jusqu'au jour où une élève de la classe de son petit-fils, violée par six camarades - dont ce dernier - se suicide. Pour éviter que cela ne fasse des vagues, les parents des gamins concernés décident de dédommager sa famille. Sauf que Mija ne dispose pas de la somme requise.

Oeuvre épurée

Une grand-mère désargentée atteinte de la maladie d'Alzheimer flanquée d'un petit-fils violeur ? N'importe quel réalisateur aurait fait d'un tel sujet un mélo suintant le pathos. Pas Lee Chang-dong, l'un des meilleurs cinéastes coréens, ministre de la Culture et du Tourisme de 2002 à 2004, à qui l'on doit "Secret Sunshine ", présenté à Cannes en 2007 où le film avait remporté le prix d'interprétation féminine.

Chang-dong réussit ici, au contraire, une ?uvre impressionniste épurée, aérienne, d'une délicatesse à fleur de peau, ponctuée de scènes magnifiques, brassant sentiments et émotions, révélant une poésie certaine dans les situations les plus improbables et dans chaque personnage. à commencer par Mija. Considérée dans son pays comme la plus grande actrice coréenne de cinéma de tous les temps, déjà récompensée de vingt-quatre prix d'interprétation, elle irradie ici, offrant une palette de jeu toute en nuances.
 

LES AUTRES SORTIES EN SALLE

 

Rencontre avec son cancer avec "Le bruit des glaçons " Bertrand Blier s?attaque de façon décalée au tabou du cancer.

Le synopsis du film "Le bruit des glaçons" met toute de suite dans l?ambiance. C?est l?histoire d?un homme qui reçoit la visite de son cancer : "Bonjour, lui dit le cancer, je suis votre cancer. Je me suis dit que ça serait peut-être pas mal de faire un peu connaissance ... ".
On reconnaît bien là le cynisme légendaire du réalisateur Bertrand Blier qui, depuis "Les Valseuses", se plaît à tourner des films dérangeants. Son dernier opus n?échappe pas à cette veine.

Le cancer en question est personnifié par Albert Dupontel qui frappe donc à la porte d?un écrivain alcoolique, Charles (Jean Dujardin), totalement à la dérive, séparé de sa famille et retiré dans une maison isolée au c?ur des Cévennes. Une seule autre présence remarquable dans ce lieu : Louisa, la gouvernante (Anne Alvaro), secrètement amoureuse de Charles, et elle aussi suivie par « son » cancer (Myriam Boyer). Charles va finir par accepter l?amour de Louisa. Et cette union tardive va permettre de combattre la maladie.

Il fallait oser : traiter du difficile sujet du cancer avec de l?humour? noir. Blier a plutôt bien fait les choses, sans provocation outrancière ni voyeurisme. L?idée de personnifier la maladie est originale. Et la première scène où l?on voit Dupontel de dos, les bras écartés ? on songe un instant à la mort dans "le Septième Sceaux" d?Ingmar Bergman ?, fait a posteriori froid dans le dos. Les dialogues, parfois loufoques, souvent caustiques, entre Charles et "son " cancer sont réalistes. Le film est aussi servi par un casting très solide. Jean Dujardin et Albert Dupontel semblent s?entendre comme larrons en foire. Quant à Anne Alvaro au physique troublant et à la voix suave, elle éblouit.
Cela dit, ce huis clos est loin d?être parfait. Le film souffre de longueurs et quelques scènes semblent totalement superfétatoires. Quant à la fin, même si la métaphore est belle, elle frôle tout de même la mièvrerie.


La soif de l?or

En plein c?ur de la Guyane, un groupe d?aventuriers décide de braquer une mine d?or. Malheureusement tout ne se passe pas comme prévu, et la petite bande se retrouve perdue au milieu de la jungle, obligée de porter sur son dos « 600 kilos d?or pur ». Une intrigue psychologique bien ficelée, des décors sauvages, un casting bien trouvé ( Audrey Dana, Clovis Cornillac ou Patrick Chesnais)? éric Besnard nous livre une aventure des plus rocambolesques qui tient la route..

"Ondine", un conte moderne dans la brume irlandaise

"Le malheur, on s?y habitue, le bonheur, il faut y travailler", dit Syracuse (Colin Farrell) ce pêcheur irlandais sans le sou, séparé de sa femme, ancien alcoolique, que l?on traite de clown (et que l?on appelle volontiers "circus "), père d?une fillette handicapée. Alors, le jour où il remonte dans son filet une jeune femme (l?actrice polonaise Alicja Bachleda) qui refuse de dire son nom ? ce sera donc Ondine ?, il a du mal à croire au bonheur. Les casiers se remplissent soudainement de homards et de saumons. Il tombe évidemment amoureux de la belle sirène ? qui cache un secret. Car si "Ondine", le film de Neil Jordan, part bien du mythe des ondines, ces créatures marines qui perdaient leur pouvoir pour l?amour des humains, comme dans la pièce de Jean Giraudoux, c?est en fait un conte tout à fait moderne qu?il dépeint.

Un "Salt" sans saveur

Dans la série les "nanards" de l?été, en voilà un bon. Salt (Angelina Jolie) est l?un des meilleurs agents de la CIA. Mais elle est accusée d?être une espionne au service de la Russie et doit fuir. Elle va donc devoir faire la preuve de son innocence. Mais qui est vraiment Salt ? L?idée de départ était intéressante. Le réalisateur Phillip Noyce voulant faire de Salt une sorte de James Bond au féminin. L?intrigue démarre assez bien, puis s?essouffle avant de virer au n?importe quoi. Cascades, révélations et flingages se succèdent sans convaincre. Un film qui manque singulièrement de sel.


 

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