Pour l'indépendance et le pluralisme des médias

Par un collectif de professionnels et de représentants du PS et des Verts.

Le 24 juillet 2008, un certain nombre de députés d'opposition ont déposé une proposition de résolution à l'Assemblée nationale demandant une commission d'enquête parlementaire sur l'indépendance des médias (presse, radio, télévision) face au pouvoir économique. Seule cette indépendance garantit une réelle démocratie et apporte aux citoyens une diversité de points de vue sur la société à laquelle ils appartiennent, pour leur permettre de se forger leur propre opinion, d'être des acteurs émancipés de notre démocratie.

C'est ce principe fondamental de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels qui a conduit à l'instauration d'un dispositif anticoncentration des médias dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ainsi, au plan national, un même groupe ne peut détenir à la fois, une chaîne de télévision desservant au moins 4 millions d'habitants, une radio desservant au moins 30 millions d'habitants et un quotidien d'information politique et générale représentant plus de 20% de la diffusion nationale. Il ne peut cumuler que deux médias sur trois.

Au plan local, une même personne ne peut cumuler que deux médias parmi les trois suivants: une chaîne de télévision nationale ou non reçue dans la zone considérée, une ou plusieurs radios dont l'audience potentielle cumulée dépasse plus de 20% de l'audience globale de la zone considérée, et un ou plusieurs quotidiens d'information politique et général reçus dans cette zone.

Ce système anticoncentration a fait ses preuves. Pourtant, aujourd'hui le gouvernement veut le remettre en cause. Dans le même temps, nous constatons avec beaucoup d'inquiétude la proximité croissante des médias et du pouvoir, qui favorise les groupes privés, notamment ceux qui dépendent des commandes publiques de l'Etat, au détriment du pluralisme et de l'indépendance.

Toutes les réformes annoncées vont dans ce sens, outre la remise en cause des dispositifs anticoncentration: suppression du droit d'auteur des journalistes ; affaiblissement des ressources de France Télévisions ; renforcement des ressources des chaînes privées par un assouplissement de leur régime publicitaire ; nomination et révocation du président de France Télévisions directement par le pouvoir exécutif. De plus, le dispositif législatif voté en mars 2007 dans la loi sur la télévision du futur, visant à renforcer la présence des œuvres à vocation patrimoniale sur les antennes de télévision, n'a pas été mis en œuvre. Pis, la place allouée, déjà ridiculement faible, à la diffusion des documentaires, est gravement mise en péril par l'ouverture de cette catégorie à d'autres types de programme, ce qui encourage l'uniformisation des regards.

Ces mesures, censées renforcer l'économie du monde culturel et des médias, remettent non seulement en cause leur indépendance, mais auront de manière irrémédiable des conséquences désastreuses sur l'économie fragile du monde artistique et créatif. Or, si la France a bien une richesse, c'est d'avoir su depuis toujours préserver la culture au cœur de son modèle de société.

Non seulement, l'émergence de grands groupes privés ne garantit en aucun cas un mieux-disant économique mais elle balaie de manière désinvolte l'idée, entérinée par la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle, que la pensée et la culture ne sont pas des biens comme les autres. Alors que les Français passent en moyenne plus de 3 heures par jour devant leur poste de télévision, et qu'ils sont 18 millions à lire régulièrement un quotidien, n'est-il pas primordial qu'en retour ces médias leur proposent des réflexions plurielles, des regards personnels, des découvertes ? Les médias, ne peuvent s'éloigner de leurs usagers et ignorer les attentes de leurs lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes pour remplir pleinement leur rôle démocratique.

C'est pourquoi, nous souhaitons alerter les téléspectateurs, les lecteurs, les auditeurs, et tous les parlementaires qui les représentent: la nécessité de l'indépendance et du pluralisme des médias n'est pas une coquetterie de la part de quelques professionnels de cet univers, mais bien la garantie pour tous et toutes que notre démocratie est toujours vivante, qu'elle permet à toutes les opinions et les points de vue de s'exprimer et de créer librement. Au moment où les erreurs du monde financier font vaciller l'économie mondiale, nous, parlementaires et non-parlementaires, engagés dans une démarche citoyenne commune, demandons à tous les députés et sénateurs, de prendre le temps de réfléchir en leur âme et conscience, et hors de tout vote partisan, aux conséquences désastreuses que pourraient engendrer des lois dictées par les seuls intérêts financiers d'actionnaires des groupes privés en contradiction avec l'intérêt commun et la démocratie française.

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