Pour un nouveau Bretton Woods bilatéral

Par Harold James, qui enseigne les relations internationales à la Woodrow Wilson School de l'université de Princeton et l'histoire à l'Institut européen de Florence.

Chaotiques et coûteuses, les réactions au marasme financier ont poussé le président français Nicolas Sarkozy, le Premier ministre britannique Gordon Brown et le président allemand Horst Köhler, à tenir une nouvelle conférence de Bretton Woods en impliquant cette fois-ci le G20, économies et émergentes réunies. Il n'est pas difficile de voir l'intérêt d'une réforme de l'architecture financière mondiale actuelle, puisque cette dernière s'est effondrée en grande partie. Les institutions existantes semblent de plus en plus inappropriées en période de croisière et inefficaces en temps de crise.

La conférence Bretton Woods a porté ses fruits en 1944, non pas parce qu'elle a réuni tous les pays. Pour John Maynard Keynes, architecte du sommet, la véritable leçon à tirer des échecs des années 30 se situe précisément dans la multilatérale et chaotique conférence de Londres en 1933. Keynes a conclu qu'un plan vraiment réalisable ne pouvait être conçu qu'à la demande insistante d'"une puissance unique ou d'un seul groupe de pouvoirs partageant le même avis". Si Keynes avait raison dans le fond, il aurait dû ajouter qu'il est plus judicieux qu'une seule puissance négocie avec une seule autre puissance.

Par le passé, les diplomaties financières les plus efficaces ont été bilatérales, entre deux puissances ayant des visions différentes de l'économie internationale. Ce fut le cas pour Bretton Woods. Quarante-quatre pays étaient représentés, mais seulement deux comptaient réellement?: le Royaume-Uni et, surtout, les Etats-Unis. Et depuis, les discussions bilatérales étaient la clé des succès majeurs de la diplomatie financière. Au début des années 70, quand le régime de taux de change fixe a pris fin, le FMI semblait avoir fait son temps. Les clauses des accords ont été ainsi renégociées par les États-Unis et la France. Vers la fin des années 70, le dialogue sur les relations monétaires européennes était désastreux mais très productif entre la France et l'Allemagne. Et au milieu des années 80, les États-Unis et le Japon ont trouvé une solution pour éviter un retour du protectionnisme.

Quelle forme doit donc prendre le bilatéralisme d'aujourd'hui??

Pour ce qui est des pays, le nouveau duo se compose bien entendu des Etats-Unis, pays le plus endetté au monde, et de la Chine, pays le plus épargnant. Pour ce qui est des thèmes, la conférence devra résoudre un problème inédit?: comment les Etats doivent-ils s'adapter aux importants flux de capitaux abrités ces quarante dernières années par le secteur privé??

Jusqu'en 2008, deux modèles alternatifs semblaient fonctionner. D'un côté, celui de l'Amérique avec sa diversité de banques réglementées, de banques d'investissement légèrement réglementées et de fonds à vocation spéculative très peu réglementés gérant les flux de capitaux. De l'autre, la solution chinoise et sa gestion des réserves de plus en plus coûteuse, faisant la part belle aux fonds souverains. Ces deux voies d'approche sont viciées - et susceptibles de lancer la controverse politique. Le modèle américain a échoué parce que les banques se sont montrées très vulnérables à la panique.

Les grands sauvetages d'aujourd'hui sont donc inévitablement suivis d'un débat à forte connotation politique sur les banques qui ont été sauvées et dont les intérêts politiques ont été servis. On constate déjà un débat houleux sur l'influence de Goldman Sachs sur le Trésor américain. Entre-temps, la solution chinoise a exacerbé les craintes nationalistes de voir les fonds souverain utilisés de façon abusive pour saisir des entreprises essentielles d'un point de vue stratégique ou des secteurs entiers d'une économie.

A l'origine de la création du FMI était l'idée qu'un organe régi par des dispositions réglementaires serait un moyen moins politique de stabiliser les marchés. L'idée est encore valable aujourd'hui?: la gestion de la participation provisoire dans les banques qui ont besoin d'être recapitalisées, au nom de grands fournisseurs de capital (tels les pays asiatiques), ferait office de tampon neutre et apolitique entre les institutions publiques et privées. En 1944, le FMI a été conçu dans un monde sans flux majeurs de capitaux privés, où les Etats menaient la quasi-totalité des transactions internationales. L'élargissement de sa mission en vue d'inclure le sauvetage du secteur privé reconnaîtrait le rôle prépondérant du marché actuellement. Dans le même temps, l'intervention d'un organe international régi par ses propres règles réduirait les effets du poison politique des recapitalisations bancaires et des interventions monétaires.

Copyright?: Project Syndicate, 2008
 

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