L'édito de La Tribune : Niches avec plafond

Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

Vous avez un bouclier, mais votre niche sera plafonnée. Cela ressemble à du langage codé, mais c'est le résumé des deux premiers exercices fiscaux de l'ère Sarkozy. An I : il n'est question que d'encourager le travail et de protéger les fruits de l'effort ; d'où le «bouclier fiscal» qui garantit à tout contribuable qu'il ne paiera pas plus de 50% de son revenu en impôt. An II : le capitalisme financier est en crise, les Français craignent pour leur emploi, la solidarité redevient une priorité ; d'où le «plafonnement des niches fiscales» qui vise à empêcher des contribuables d'échapper complètement à l'impôt.

Faute de grande réforme de la fiscalité, le gouvernement de François Fillon aura placé une borne supérieure et une borne inférieure à ce que paient les Français les plus aisés. La borne inférieure, ce fameux plafonnement des niches fiscales, est beaucoup plus difficile à ériger que la première. Rien ne garantit d'ailleurs que le Sénat avalise la réforme votée à l'Assemblée nationale tard lundi soir. Car les niches fiscales ne sont pas un grand principe, ce sont des multitudes de mesures empilées au fil des ans. Il en existe 486 différentes, selon le récent rapport de Didier Migaud (PS) et Gilles Carrez (UMP) président et vice-président de la Commission des finances de l'Assemblée, et elles privent l'Etat de 73 milliards d'euros par an - raison pour laquelle on les appelle officiellement «dépenses fiscales».

Leur nombre ne cesse d'augmenter et leur coût excède désormais largement les recettes de l'impôt sur le revenu qui sont d'à peine 60 milliards. Avant de s'écrier «mort aux niches !», que chacun considère celles dont il bénéficie : le quotient familial en est une, la déduction pour la garde des enfants à domicile en est une autre, mais on peut citer aussi les réductions d'impôt pour l'isolation de la maison, la déductibilité des versements aux associations et ainsi de suite. Les dispositifs d'incitation du Grenelle de l'Environnement représentent de nouvelles niches fiscales : et qui trouverait mauvais d'encourager les ménages à s'équiper en voitures moins polluantes ou en panneaux photovoltaïques ?

A vrai dire, toutes ces niches étaient déjà plafonnées, sauf cinq. Aubaines qui permettaient à 7000 contribuables d'échapper complètement à l'impôt - et le plafonnement voté hier permettrait d'en coincer environ la moitié. C'est un début. Mais la triste vérité est que l'Etat va continuer à créer des niches fiscales. Pourquoi ? Parce qu'il n'a pas les moyens de financer directement ses politiques. Investir dans les départements d'Outre-mer ? Réhabiliter lui-même les centres-villes ? Restaurer les monuments historiques ? Il n'y a pas de crédits pour ça, et pour bien d'autres choses. Alors, va pour les niches, à condition qu'elles aient un plafond.

 

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pourquoi risquer une nouvelle fuite des capitaux ? Des niches fiscales oui, mais des niches utiles à la collectivité : investissements dans les PME PMI francaises, les hopitaux, les ecoles/universités, la recherche et le developpement, l'énergie, l'é...

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