La Suisse et le G 20

Par Michel Juvet (Bordier et Cie).

La Suisse n'était donc pas présente au dernier sommet du G 20. Même pas assise, comme l'Espagne, sur un strapontin de dernière minute. Juste reléguée dans la salle d'attente avec le Sénégal, le Vietnam, la Colombie et les autres. Certes, la Suisse est bien classée à la 21ème place, mais la taille de sa place financière et de ses grandes banques aurait justifié que le G 20 écoute son point de vue.

Le secteur bancaire suisse n'avait jamais été confronté de cette façon aux dangers de la mondialisation financière. La Suisse a donc découvert avec effroi que les activités internationales de ses grandes banques pouvaient mettre en péril l'économie nationale. Les autorités suisses n'avaient pas imaginé qu'une grande banque suisse puisse voir ses actifs tant dépréciés par des fautes de gestion, ses passifs presque détruits par une panique financière internationale et institutionnelle, et que la décision européenne de garantir les prêts inter banques transférerait ainsi la perte de confiance des marchés sur les banques suisses, les dernières à n'être pas couvertes par une garantie d'Etat.

Les autorités suisses ont donc mis en place plusieurs mesures rectificatives pour solidifier les banques helvétiques, qui peuvent servir d'exemple Le rôle des banques centrales La Banque Nationale Suisse est intervenue massivement pour aider l'UBS à surmonter cette crise, en prenant à sa charge ses actifs toxiques. Mais la banque centrale helvétique n'a pas attendu de se retrouver propulsée dans le rôle de "celui qui prête décide". Elle a très tôt imposé ses vues sur les ratios idéaux de fonds propres, outrepassant presque le rôle de l'organe de régulation bancaire, la Commission fédérale des banques. Les Etats-Unis ont également suivi cette démarche.

L'implication de la Fed dans cette crise lui a aussi donné un droit de réglementation qui relègue la SEC à un rôle consultatif. Pourquoi la Banque centrale européenne semble être restée bien isolée de ce processus de régulation. A-t-elle le tort d'être supranationale, et mal vue par des Etats européens toujours indépendants ? En tous cas, il paraît normal que l'implication des banques centrales dans les sauvetages ou recapitalisations des banques leur donne le droit d'imposer des supervisions et régulations.

Rendons donc plus efficaces ces actions des banques centrales au sein de la Banque des règlements Internationaux (BRI), la mère des banques centrales. Cette dernière a le mérite de regrouper déjà nombre de banques centrales, y compris la Suisse ( !) et celles des pays émergents. En outre, elle fonctionne sur un mode moins politique que le FMI et peut donc être plus efficace que ce dernier. Certes, on l'a vu, les normes de fonds propres de Bâle issues de la BRI se sont révélées trop étroites dans cette crise. La BRI a donc aussi une part de responsabilité dans cette crise. Mais les banques centrales ont connu cette année dans cette crise leur plus grande épreuve du feu possible, et on peut compter désormais sur ces acteurs du crédit pour ne plus les y reprendre et améliorer Bâle II. La BRI peut jouer ce rôle d'un OMC régulateur de la finance.

Les banques centrales devront néanmoins, procéder à leur autocritique. La doctrine Greenspan sur le non interventionnisme des banques centrales dans la gestion des bulles financières a encouragé le développement d'une attitude digne de super pompiers plutôt que de soldats de la prévention. Certes, l'argument de base n'est pas faux : les banques centrales ne peuvent pas savoir si les prix payés par les marchés sont déraisonnables, car le marché reste le roi dans la fixation des prix ; mais en revanche les banques centrales ont à disposition tous les outils techniques pour observer des déviations de tendance anormales dans la création de crédit et dans l'évolution des prix des actifs. Elles ont donc un rôle de sirènes incontestable et doivent hurler tôt.

L'Etat helvétique a du également  "prêté" 6 milliards de francs à l'UBS, via un emprunt convertible. Mais contrairement à d'autres pays confrontés aux mêmes problèmes, il a choisi de rester en dehors du conseil d'administration. Comme en Norvège, lors de leur crise bancaire en 1992, les autorités suisses préfèrent ne pas confondre les rôles d'actionnaires et régulateurs. Pas d'immiscion dans la gestion courante des affaires, pas d'objectif de croissance des crédits fixé par le gouvernement. Le risque étant trop grand de voir apparaître de nouveaux aléas moraux, et d'apporter du crédit à des clients qui présentent trop de risques.

L'UBS, fortement touchée par la crise, peut néanmoins être considérée comme un précurseur dans plusieurs domaines : elle fut parmi les premières banques à procéder, aux amortissements de produits toxiques à sa recapitalisation avec des fonds privés et souverains. Aujourd'hui, elle est la première à présenter un nouveau système de rémunération. En avance sur le G 20, avec son système de bonus-malus, sur plusieurs années, elle montre la voie vers un retour aux fondements de l'esprit d'entreprise, capitaliste par essence.

Le cas de l'UBS a montré aussi que l'intégration d'une banque d'investissement dans une banque traditionnelle pouvait se révéler catastrophique pour un groupe bancaire. Curieusement, l'Amérique a choisi une autre direction en décidant d'accoler depuis peu ses Morgan Stanley ou Goldman Sachs à des banques commerciales. Le débat sur la séparation ou non des activités n'est donc pas réglé. Mais la meilleure solution réside probablement dans l'adaptation des niveaux de fonds propres aux types d'activités.

La place financière helvétique ne se résume pas à l'UBS. Les autres banques ont pu aborder cette crise dans de meilleures conditions et sont restée solides. Probablement que la garantie étatique adossée à certaines banques cantonales, a pu ainsi participer au maintien de la confiance dans le système bancaire. Le rôle de banques régionales bénéficiant de la garantie de l'Etat pourrait donc revenir à l'ordre du jour. Pour autant qu'elles adoptent les règles de conduites suisses et qu'elles ne suivent pas les méthodes allemandes qui ont fait plonger les IKB, KFW ou autres... La Suisse ne doit donc pas rester en dehors du G20. Elle a des compétences financières et doit être écoutée. Place au G21 au printemps prochain !

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La suisse n'a aucune compétence financière! Ou alors très peu.. Mais elle a une grande compétence aux niveau des mouvements de capitaux.. Capitaux secrets, d'origine inconnue, et bloqués en Suisse jusqu'au blanchiment total pour voguer vers d'autr...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Genève. La suisse n' a que faire de la prétention du pauvre gamin de l' Elysée qui ne comprend rien à rien. A l' heure ou l' économie repartira, les capitaux énorment qui " traînent " actuellement dans le monde, se dirigeront tout naturellement vers ...

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