La nécessaire remise à plat de la dette des collectivités locales

La crise déclenchée par les subprimes a eu un impact négatif sur la dette de nombreuses collectivités locales en France. Mais ces acteurs doivent également faire face dans le contexte actuel à des difficultés pour lever des fonds, l'offre de crédit se raréfiant. Peu au fait du fonctionnement du marché du crédit, les collectivités locales doivent suivre certaines procédures pour assurer leur financement.

De nombreux articles ou reportages ont récemment mis l'accent sur la dette des collectivités locales, dont la charge s'est alourdie à la suite du jeu des produits structurés de taux qui y ont été adossés.

En pratique, les collectivités locales ont des besoins de financement de long, voire très long terme (20 à 30 ans). Souscrire un emprunt à taux fixe sur de telles durées dans un contexte de baisse des taux empêche le gestionnaire avisé d'alléger son budget en profitant de cette amélioration des taux.

Tout naturellement, les collectivités locales se sont donc tournées vers les produits structurés leur permettant de moduler leurs charges financières en fonction des opportunités de marché.

Pour les banques, les collectivités locales présentent traditionnellement le double avantage de besoins de financement élevés et de haut niveau de qualité de crédit. La concurrence sur ce marché s'est naturellement et progressivement exacerbée. Les banques ont fait preuve d'imagination en proposant aux collectivités locales des produits de gestion de taux de plus en plus complexes, indexés sur des indices éventuellement sans rapport avec l'activité de leur client et, par conséquent, difficiles, voire impossibles à maîtriser pour des non-spécialistes. Dans certains cas, ces produits ont été combinés avec des financements permettant ainsi d'échapper à la réglementation restrictive qui s'applique aux produits dérivés souscrits isolément.

Ces produits ont été conçus à une période de conjoncture très porteuse et tablaient sur une évolution favorable des indices. Dans les faits, la réalité a pris à contre-pied ces anticipations (aplatissement de la courbe des taux, ralentissement économique, baisse de l'inflation...) transformant des bénéfices attendus en pertes réalisées, phénomène qui s'est aggravé par les réaménagements de structures proposés par les banques pour repousser sur les échéances les plus lointaines le constat des pertes dans les comptes. Dans cette fuite en avant, il n'y a plus de limites?: des produits présentant des probabilités réduites de gains limités et des probabilités fortes de pertes illimitées ont dans certains cas été mis en place. Bien évidemment, une attitude si peu vertueuse ne peut qu'aggraver la perte globale engendrée par les positions.

Heureusement, nombre de collectivités locales ont su raison garder et la part sinistrée des portefeuilles de produits et financements structurés ne représente qu'une fraction de leurs dettes globales. Sur un encours total de dette de l'ordre de 100 à 120 milliards d'euros, le montant « notionnel » des produits « structurés » peut être estimé à une trentaine de milliards d'euros, dont seule une partie (cinq à dix milliards??) est réellement dangereuse. Il faut noter que, dans les cas les plus critiques, l'équilibre des finances locales est fortement compromis, situation d'autant plus difficile que le crédit se raréfie et que les collectivités locales ont de plus en plus de difficultés à lever de nouveaux fonds d'emprunts.

Aussi, pour chaque collectivité soucieuse de remédier à cette situation, il importe de faire l'inventaire et de partager les difficultés provenant des produits et financements structurés d'une part, et celui du non-renouvellement des crédits courants de l'autre. À cette occasion, doivent être évalués les risques et les enjeux financiers liés aux positions de marché incluses dans certains segments de dette.

Une fois cette analyse faite, il convient de se doter d'une stratégie active organisée autour de deux axes?:

- recherche de nouveaux partenaires financiers;

- recadrage des endettements à risques.

Le premier axe consiste à élargir l'offre de crédit, dans un contexte où certains établissements traditionnels ne sont plus en mesure d'offrir le même niveau de concours qu'auparavant.

Le second axe revient à expertiser la dette à risques, à en mesurer précisément les enjeux financiers et à rechercher toute solution propre à en atténuer les impacts négatifs, voire à en sortir en constatant la perte actuelle pour éviter son accroissement par le maintien des positions.

Il est incontestable que les produits dérivés de taux sont un outil de gestion utile et nécessaire. Toutefois, ils ne peuvent être utilisés qu'à certaines conditions à respecter scrupuleusement. Principalement, leur mise en place requiert des structures définies?: décisionnelle (stratégique au plus haut niveau), tactique et opérationnelle, leur utilisation doit répondre à des règles et des objectifs de gestion clairs, une organisation et des procédures strictes doivent être définies et enfin un reporting détaillé et des contrôles précis doivent être mis en place.

Cette approche comporte deux volets?:

? le premier, préventif, consiste à apporter aux collectivités locales organisation et méthodologie?;

? le second, curatif, revient à analyser les situations perdantes, de manière à rechercher les solutions possibles.

Pour cela, il est conseillé, en tant que de besoin, de faire appel à des spécialistes externes capables à la fois d'analyser la situation, de définir des procédures de sécurité et de proposer des stratégies financières fonction des conditions de marché?; ces spécialistes devront, si possible, être indépendants des établissements financiers contreparties.

Dans cette période difficile à bien des égards pour les collectivités locales, une telle approche semble nécessaire en vue d'apporter aux élus une sécurité tout à fait essentielle dans leur gestion financière, et pour leur faire passer le cap d'une situation parfois temporairement difficile.

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