Pour sortir de la crise, il faut que les Chinois consomment

Par Federico Rampini, correspondant à Pékin du quotidien italien La Repubblica. Il a publié "L'ombre de Mao" (Robert Laffont).

Le 18 décembre 1978, le troisième plénum du comité central du Parti communiste chinois donnait le feu vert aux grandes réformes voulues par le leader de l'époque, Deng Xiaoping : l'ouverture de la République populaire vers l'Occident et la transition vers l'économie de marché. Pendant ces trente années, les changements profonds que la Chine a réalisés ont donné des résultats formidables. Son taux de croissance a atteint des records historiques. Le revenu par habitant a été multiplié par dix. Trois cents millions de Chinois ont été affranchis de la pauvreté, ils ont pu acheter des appareils éléctroménagers, des voitures, des ordinateurs, des téléphones portables.

Au moment même où les dirigeants communistes préparaient les célébrations du trentième anniversaire du tournant de Deng, l'horizon s'est assombri. La Chine découvre que son intégration dans l'économie globale l'a rendue vulnérable. Le cycle capitaliste la frappe de plein fouet. La récession qui touche simultanément ses trois principaux marchés ? Amérique, Europe et Japon ? contamine l'économie chinoise. Au mois de novembre, pour la première fois depuis sept ans, les exportations ont reculé de 2,2%. En six mois, 67.000 entreprises ont fait faillite. La région pauvre du Hunan s'attend à voir revenir 2,8 millions de chômeurs, licenciés par les entreprises du Guangdong. La menace d'une vague de conflits sociaux hante le régime.

Il n'est pas question pour l'instant que Pékin change de cap. Au sommet de la hiérarchie, personne ne renie l'héritage de Deng. Pourtant, une pause est bien possible. Le prestige du modéle de capitalisme anglo-saxon s'effondre. La tentation existe de renforcer un dirigisme d'Etat qui n'a jamais complètement disparu. La réforme des marchés financiers, la convertibilité du renminbi, la libéralisation de la vente des terres agricoles : toutes les modernisations qui restent à faire se heurtent désormais à de fortes résistances. Le protectionnisme refait surface, notamment sous forme d'aides aux entreprises, de défiscalisation des exportations, d'obstacles administratifs aux investissements étrangers.

Afin d'ajuster les déséquilibres des fondamentaux de l'économie mondiale, il faut que les Etats-Unis réduisent leurs dettes : l'endettement des ménages américains et le déficit du commerce extérieur. Cela suppose, symétriquement, que la Chine diminue son excédent du commerce extérieur et que les ménages chinois augmentent leur consommation. Certains dirigeants chinois partagent cet objectif, notamment les technocrates de la banque centrale. Mais est-il réaliste à court terme ?

Quels obstacles empêchent les ménages chinois de consommer davantage ? Le taux d'épargne exceptionnellement élevé des citoyens de la République populaire (30% de leurs revenus) s'explique par l'absence d'un État providence. Les soins de santé, de qualité inégale, sont de plus en plus chers. Le système des retraites n'offre pas de sécurité à la majorité des personnes âgées. L'épargne privée est la réaction très rationnelle pour s'assurer contre la maladie et la vieillesse. Il faut donc construire un système de sécurité sociale qui couvre la totalité de la population, y compris 700 millions de paysans.

C'est une tâche redoutable, avec des obstacles majeurs à surmonter, la corruption n'étant pas des moindres : les budgets sociaux risquent d'être "confisqués" en bonne partie par la nomenklatura. L'augmentation des salaires est un autre moyen pour soutenir la consommation. Mais elle se heurte aux résistances des entreprises, déjà confrontées à une diminution des marges de profits. Par ailleurs, le régime chinois n'est pas disposé à concéder le droit de grève ni la liberté d'organisation syndicale. C'est pourquoi le plan de relance approuvé par le gouvernement fait appel à des investissements plus traditionnels : les travaux publics et les infrastructures. Ce plan est loin de s'attaquer au problème fondamental. Il faut que les Chinois consomment davantage pour compenser la réduction de la demande dans le reste du monde. Sans cela, nous risquons tous d'attendre longtemps le retour d'une croissance réelle.

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