Le Grand Paris, c'est des logements grands (et pas chers)

Par Raphaël Labrunye, architecte DPLG et docteur en histoire de l'architecture, conseiller municipal de Boulogne-Billancourt délégué au logement et au quartier Renault-Billancourt.

Les premières conclusions des études menées par les dix équipes d'architectes internationaux sur le devenir de la métropole parisienne sont maintenant connues dans les grandes lignes. Elles ont notamment été présentées devant les élus d'Ile de France vendredi 16 janvier, à l'instigation de l'AMIF (Association des maires de l'Ile de France), et sont aussi consultables sur le site internet dédié du ministère de la Culture. La plupart des travaux se concentrent sur la question des infrastructures, de transport en commun notamment.

Ainsi, Christian de Portzamparc propose une gare nodale européenne de TGV située Porte de la Chapelle, Antoine Grumbach fait du Havre le port de Paris grâce de lourdes infrastructures, Richard Rogers dessine une ligne TGV Roissy - La Défense - Ile Seguin - Saclay, et Roland Castro rêve d'un tramway périphérique qui relierait tous les quartiers "sensibles" de banlieue. C'est donc à qui trouvera l'énième structuration des transports, redéfinissant les contours de la métropole.

Ce qui est surtout frappant, c'est que la majorité des documents présentés sont des grands plans de la métropole parisienne, avec de nombreux schémas polycentriques, rhizomes, patatoïdes, et flèches en tout sens. A. Grumbach le résume d'ailleurs dans son propos : "la résolution des problèmes de la métropole de l'après-Kyoto ne peut être fait que si on l'aborde à la grande échelle". Mais à quoi abouti alors ce postulat idéologique et méthodologique ? A des solutions lourdes, longues et très chères à mettre en place.

Patrick Devedjian, ministre de la Relance, aura de quoi avoir des sueurs froides à la lecture de ces projets : les 26 milliards d'euros de son plan de relance ne suffiraient pas à payer le quart de la moitié de ces opérations, même mutualisées. Surtout, l'approche par la grande échelle seule donne une lecture totalement abstraite des conditions de vie des métropolitains. On serait tenté de demander aux architectes de descendre de leur avion ou de leur TGV pour regarder la ville de l'intérieur. Se mettre au ras des pâquerettes, littéralement.

Qu'expérimentent tous les Parisiens et banlieusards réunis ? Le choix cornélien de vivre en centre-ville dense, bien desservi par les transports en commun, mais dans un logement réduit et cher, ou alors en lointaine périphérie, dans un logement plus confortable et plus accessible, mais au prix de longs déplacements quotidiens. Or, comme le rappelle Monique Eleb, la capitale parisienne dispose d'un des parcs de logements les plus petits et les plus chers d'Europe.

L'explosion récente des zones pavillonnaires de troisième couronne n'est évidemment pas étrangère à ce problème majeur, aboutissant au chiffre ahurissant de 70% des trajets domicile-travail effectués en voiture dans l'agglomération parisienne. Dans un proche avenir où la crise écologique imposera l'usage des transports en commun, ces zones pavillonnaires seront les futures zones de relégation. Il sera en effet impossible de les desservir toutes, et encore moins par des TGV ou des super-RER, même avec la meilleure volonté politique du monde, l'imagination foisonnante des architectes ou l'existence de crédits suffisants.

Les prestigieux architectes du Grand Paris seraient donc bien avisés d'interroger aussi l'échelle de l'architecture, consubstantielle à celle du territoire métropolitain, et d'imaginer des solutions pour construire des logements de grande taille, accessibles à tous, à proximité des transports en commun existants, permettant aux familles de vivre décemment et de profiter des avantages de la métropole, pour aller travailler, se cultiver, se détendre, etc.

Cette ambition pourrait paraître, au mieux, naïve, au pire, irréaliste. Mais d'abord, si des crédits seront disponibles pour des infrastructures colossales, pourquoi ne les utiliserions-nous pas plutôt pour faire des logements aidés ? Ensuite, les règles qui régissent le financement et la construction du logement social révèlent des absurdités contre-productives. Ainsi, le calcul des fameux 20% de logements sociaux de la loi SRU (Solidarité Renouvellement urbain) se fait au nombre de logements et non à la surface. Les municipalités sont donc incitées à construire beaucoup de petites unités, satisfaisant au passage les objectifs de rentabilité des promoteurs.

De la même façon, le paiement des surcharges foncières par les collectivités locales, au prorata de la surface construite, réduit très fortement toute velléité d'augmentation du pourcentage d'habitat social dans une opération. A l'heure où une loi sur le logement social est en débat à l'Assemblée, il serait peut-être salutaire de réviser de tels dispositifs. Enfin, des projets proposant de grands logements en centre ville à moindre coût ont déjà été réalisés, par Dominique Lyon à Gagny (93) ou Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal à Paris-17ème. Donc le grand logement pour tous, yes we can !

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Juste uyne question avant le débat.Ca veut dire quoi un grand logement ?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Ca veut dire un logement où le séjour ne fait pas 12m² mais 20, où il y a une chambre par personne, une vraie cuisine pour y manger, bref pas les placards que l'on construit actuellement pour le logement social (ou même en accession libre). Un 3 pièc...

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