Suppression de la taxe professionnelle : des pistes de substitution

Par Laurent Chatel, Avocat Associé de CMS Bureau Francis Lefebvre.

L'annonce du président de la République de supprimer la taxe professionnelle en 2010 a créé un vif espoir chez les entreprises, et une sourde angoisse chez les collectivités locales. Comment concilier leurs intérêts?? N'oublions pas que l'État est le premier contributeur de la taxe professionnelle au travers des dégrèvements qu'il accorde (soit un tiers de la taxe émise).

Comme l'a souligné le président, il serait illusoire de penser réformer la taxe professionnelle sans s'attaquer aussi à la réforme des finances des collectivités locales, lourde tâche à accomplir d'ici le 31 décembre 2009. Mais espérons qu'il ne s'agit pas d'une annonce sans lendemain, nombre de contraintes étant susceptibles de décourager les partisans de la suppression de cette taxe.

Depuis la modification de la constitution de 2002, les collectivités locales ont l'obligation de déterminer leurs ressources et de voter l'impôt. Aussi ne peut-on proposer un impôt de substitution comportant un calcul global au niveau de chaque contribuable. Dès lors, la réforme doit-elle être envisagée avec celle des autres impôts locaux, compte tenu des aberrations que comportent aujourd'hui les évaluations foncières.

Rappelons que la fiscalité locale génère une manne fiscale supérieure à l'impôt sur les sociétés (88 milliards contre 64). En vingt ans, les impôts locaux ont explosé, avec une augmentation de 354 %, passant de 22 milliards en 1986 à 79 milliards en 2007.

Quelle collectivité acceptera le maintien ou l'implantation d'un industriel, par principe générateur de nuisance, mais tellement rémunérateur en fiscalité locale, si les installations sur son sol ne lui procurent plus aucun avantage??

La taxe carbone annoncée comme impôt de substitution risque d'être aussi impopulaire que la taxe professionnelle, voire davantage en ces temps de crise, en particulier si elle frappe aussi les ménages. La tentation sera forte de critiquer ce basculement de la charge fiscale des entreprises vers les ménages. D'autre part, comment définir un impôt frappant les produits de la même façon suivant qu'ils sont produits en France ou à l'étranger??

Le principe fondateur de telles taxes ne serait-il pas incompatible avec la stabilité des ressources dont les collectivités ont besoin? Plus les contribuables deviendront écologiquement vertueux, moins la taxe carbone devrait générer de recettes, comme le montre l'exemple du malus automobile.

La solution la plus évidente consisterait à instaurer une taxe professionnelle calculée sur la seule valeur locative des immeubles dont le contribuable a la disposition, ce qui devrait générer à taux constant environ 9 milliards d'euros. Ce qui supposerait bien sûr de réformer en même temps les évaluations foncières.

En outre, il serait logique que l'État soit également soumis à ce nouvel impôt sur les installations de ses administrations, casernes, centres des impôts, etc.

À cette fiscalité locale, on pourrait ajouter un certain pourcentage de la valeur ajoutée collecté par l'État et reversé aux collectivités locales en fonction de clefs à définir.

Si l'on admet que l'État finance déjà 9 milliards d'euros de dégrèvements et la perte d'impôt sur les sociétés liée à la déductibilité de la taxe professionnelle pour un montant global de 6 milliards d'euros, l'État finance déjà 15 milliards pour la seule taxe professionnelle.

Ainsi, la taxe sur les immeubles majorée des reversements de l'État équivalent au coût actuel qu'il supporte génère déjà 24 milliards d'euros sur les 35,3 milliards. Reste donc à trouver 11,3 milliards, chiffre proche de celui annoncé par le président.

Si la dernière annonce du Premier ministre est confirmée, toutes les entreprises relèveraient désormais de la cotisation minimale de taxe professionnelle et de la taxe calculée sur la valeur foncière. Qu'il s'agisse d'une taxe carbone ou de la valeur ajoutée produite par les entreprises, les collectivités locales y perdront certes un peu d'autonomie sur leurs finances. Mais n'est-ce pas le prix à payer pour permettre aux entreprises de rester sur leur territoire et maintenir l'emploi?? Les critiques formulées naguère contre la patente, calculée sur l'emploi et l'investissement, restent vraies pour la taxe professionnelle, en raison de la rigidité du cahier des charges de la fiscalité locale. Il est temps de la supprimer.

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