Donner un prix à la biodiversité

Par Maximilien Rouer, président de BeCitizen.

La loi impose depuis 1976 l'"obligation de supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l'environnement des projets d'aménagements". Pourtant, cette loi, transposition nationale de la directive Habitats, n'a pratiquement pas été appliquée durant trente ans. Jusqu'en 2008, où des mesures compensatoires sans précédent ont été exigées pour le projet de l'A65 Langon-Pau : 1.200 hectares, 55 kilomètres de linéaires, plusieurs millions d'euros et plus de cinquante ans d'engagement.

La biodiversité est passée en quelques mois de l'anonymat aux premières loges politiques des préoccupations environnementales en France, avec l'appui du Grenelle de l'environnement.

En 1992, climat et biodiversité naissent du Sommet de la Terre de Rio. En 1997, le climat bénéficie du protocole de Kyoto et, en 2005, du marché d'échange des quotas. Ce précédent facilitera, sans doute, la prise en compte des écosystèmes, placés depuis peu au même rang que le changement climatique par l'ONU, l'Europe et la France.

Après la publication du rapport intermédiaire de Pavan Sukhdev sur l'économie des écosystèmes et de la biodiversité qui estime celle-ci à 2.000 milliards d'euros par an, et en relais du rapport de référence "Millennium Ecosystem Assessment" de l'ONU, le G8 réaffirme la nécessité d'utiliser des instruments économiques pour préserver la biodiversité.

La création d'un GIEC de la biodiversité (groupe d'experts intergouvernementaux) est prévue pour début 2010, asseyant ainsi la visibilité du sujet au niveau international. Ainsi, 2009 impose la biodiversité dans l'économie.

La complexité scientifique du sujet exclut temporairement l'émergence d'une unité de mesure universelle, pendant de l'"équivalent carbone" pour le climat. L'"équivalent mangrove" se faisant attendre, la mise en place d'une réglementation internationale sur la biodiversité telle Kyoto est ajournée. Les approches locales dominent, concentrées sur des écosystèmes, espèces ou espaces bien identifiés (forêts primaires, vison d'Europe, zone Natura 2000, etc.).

Les outils politiques employés seront une combinaison de contraintes réglementaires comme la compensation ou les "trames vertes" et "bleues" à l'étude en France dans le cadre du Grenelle de l'environnement, et d'outils économiques tels que la rémunération de services environnementaux, voire la mise en marché.

Quelques exemples ? En 1997, à New York, l'agriculture des collines environnantes de Catskill rendait l'eau impropre à la consommation. Plutôt que d'investir dans une station d'épuration des eaux, la ville investit dans la biodiversité en préservant la zone de captage de toute pratique intensive, économisant ainsi 9 milliards d'euros en dix ans.

En 2008, Danone a créé un fonds Danone pour la nature, avec l'ONG IUCN et la Convention internationale de Ramsar sur la protection des zones humides. En 2009, un premier projet est financé sur la restauration de mangroves. En 2008, la CDC a capitalisé CDC-Biodiversité de 15 millions d'euros, pour financer, réaliser et gérer des obligations de protection de la biodiversité des maîtres d'ouvrage. Enfin, en 2009, RTE a favorisé la biodiversité sous les lignes haute tension d'Île-de-France afin de doubler ce réseau d'infrastructure humaine avec un réseau naturel dans le cadre de la trame verte, avec le Muséum d'histoire naturelle. Réseau ferré de France, GRT Gaz (réseau de transport du gaz) et VNF (Voies navigables de France) pourraient leur emboîter le pas.

Le niveau de dégradation de la biodiversité est tel qu'une simple conservation ne suffit pas pour assurer un bon fonctionnement des écosystèmes, et de l'économie qui lui est attelée. Il faut restaurer, ce qui consiste à augmenter la préservation d'espace et d'espèces, et à réintroduire la biodiversité dans les territoires, notamment forestiers, agricoles et urbains. Les trames vertes et bleues sont des corridors écologiques terrestres et aquatiques qui permettraient de répondre à ces enjeux.

La modification des pratiques agricoles et forestières est la clef d'un territoire reconquis par la biodiversité. Pour cela, il faudra rémunérer les services environnementaux rendus. Et donc leur donner un prix. La réflexion est en cours aux niveaux national et européen. Le 29 avril, un rapport du Conseil d'analyse stratégique a estimé les services rendus par des prairies extensives à 600 euros par hectare et par an et ceux des forêts métropolitaines à 970 euros par hectare et par an. Désormais, la biodiversité a un prix.

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