D'un G20 à l'autre ou la confrontation de l'expert et du politique

Par Lionel Escaffre, commissaire aux comptes, professeur associé à l'Université d'Angers.

Le 2 avril 2009, les chefs d'Etats et de gouvernement du G 20 ont adopté une déclaration visant "au renforcement du système financier". Ce texte, de portée internationale et unique en son genre, repose sur des fondements consistant à renforcer la régulation financière et la transparence, à introduire une responsabilité clairement identifiée des acteurs (régulateur, banques, agences de notations, entreprise, auditeurs...) et à développer une plus grande intégrité dans le fonctionnement des marchés financiers et dans l'élaboration d'instruments financiers (que leur complexité rendait parfois non maîtrisable sur un avenir lointain et difficilement auditable tant la probabilité d'estimation du dénouement reposait sur des hypothèse par nature volatile et subjective).

Pour faire aboutir ces principes, le G20 a souhaité transformer le Forum de stabilité financière en un Conseil de stabilité financière (CSF), destiné à développer une coordination internationale entre les organismes concourant à la stabilité financière internationale et à assurer l'élaboration d'études stratégiques et d'impacts permettant d'améliorer l'efficacité de la normalisation internationale.

Le prochain G20 qui se tiendra à Pittsburg consistera à installer politiquement ce Conseil de stabilité financière (CSF). Dans ce cadre, plusieurs points d'attention doivent être discutés. Il serait souhaitable que le G20, sous le prétexte de la crise financière, prenne la décision d'abandonner l'idée selon laquelle les organismes internationaux de normalisation ne doivent pas être indépendants du pouvoir politique. Par ailleurs, le G20 et le Forum de stabilité financière doivent expliquer au monde que la régulation financière, dans un contexte de marché fluide et concurrentiel, ne peut s'exercer qu'à un échelon international et que toute tentative de démarche normative nationale ou régionale est vouée à l'échec, voir à une déstabilisation des marchés. En conséquence, les prémices d'une régulation internationale nécessitent une clarification ferme sur les rôles respectifs que doivent tenir chacun des acteurs partie prenantes à la régulation, régulation qui doit s'envisager sans contrainte de frontière.

D'une part, la supervision des autorités de régulation ("les gendarmes boursiers") et des autorités de normalisation (l'IASB) ne doit pas correspondre à un retour du politique dans des domaines d'expertise nécessitant davantage une réflexion technique d'application et une réelle objectivité scientifique. En effet il ne serait, par exemple, peu souhaitable que l'IASB organisme de droit privé indépendant et dont les membres ne représentent pas leur pays d'origine mais leur propre compétence technique deviennent un lieu influencé par des considérations politiques nationales et soumis à des lobbyings organisés par les états.

Le CSF doit se garder d'interférer dans des sujet d'application qui sont de la compétence des entreprises mais plutôt se concentrer à déterminer un axe de travail avec une supervision relative à la qualité scientifique des travaux. Il pourrait tout à fait être imaginé que des études d'impacts pour chaque projet de norme soient réalisé et transmis au CSF pour avis et qu'une procédure de véto motivé soit envisagée si une norme ou une règle de régulation financière avait pour conséquence de déstabiliser les marchés. En outre, on pourrait imaginer que le Conseil de la stabilité financière puisse réclamer à l'IASB, en respectant son processus de indépendant de normalisation, d'associer davantage encore les parties prenantes et plus particulièrement certains pays en voie de développement, les petites et moyennes entreprises (dont certaines sont cotées !) ou le comité de Bâle, régulateur prudentiel bancaire.

D'autre part, l'invraisemblable rapidité des mouvements de capitaux, le développement de groupes composés d'actionnaires issus des cinq continents ne peut se satisfaire d'une régulation qui n'est pas représentative des caractéristiques juridiques de chaque pays envisageant l'accueil d'entreprises faisant appel public à l'épargne et de portée internationale. Le CSF doit donc être représentatif de ces pays et se doter d'outils efficaces de révision auprès des autorités de normalisation et de régulation.

Prendre la décision d'attribuer une légitimité politique à une normalisation et à la régulation financière des marchés est une excellente chose si elle répond au principe d'indépendance et de mondialisation. L'expert technique n'est pas un politique et le politique n'est pas un expert. Si le G20 se charge de tracer les frontières entre ces deux fonctions en les incorporant dans une réflexion internationale systématique, le G20 n'aura pas servi à rien et la régulation aura gagné un réelle légitimité politique et surtout démocratique au nom de la séparation des pouvoirs si chère à Montesquieu.

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