Avec les dents

Par Philippe Mabille, éditorialiste à La Tribune.

Première (bonne) nouvelle, révélée un vendredi 13, qui plus est : la reprise est bien au coin de la rue. Au troisième trimestre, la France confirme l'essai et s'inscrit dans le concert des nations qui sortent de la récession avec une pente positive pour 2010. Sur l'ensemble de l'année, le recul de la croissance sera même deux à trois fois moindre que dans les économies concurrentes. C'est la vertu du fameux modèle social français, qui a permis d'absorber mieux qu'ailleurs le choc de la crise.

Mais, deuxième (mauvaise) nouvelle, cette reprise est décevante. La consommation marque le pas. Et, même si le rythme des destructions d'emplois décélère, l'horizon d'un reflux du chômage reste lointain. Dans la sortie de crise, la France confirme plus que jamais son statut d'économie-édredon pendant que notre voisin d'outre-Rhin se range désormais dans le camp des économies-trampolines, avec un rebond spectaculaire de l'activité qui affiche un rythme proche de celui des Etats-Unis. C'est la principale crainte pour l'avenir : que la France décroche de son principal partenaire. C'est la raison pour laquelle il faut se féliciter de la décision d'Angela Merkel de baisser fortement les impôts.

Le vif rebond de nos exportations montre que notre croissance est surtout tirée par la relance... des autres pays. La nôtre a certes eu des effets positifs, mais son impact, douloureux pour les finances publiques, va s'atténuer au cours des trimestres à venir. Nicolas Sarkozy, qui avait affiché son fort volontarisme fin 2007 en se déclarant prêt à aller arracher le point de croissance qui nous manque "avec les dents s'il le faut", est donc mis à l'épreuve. Lui qui voulait libérer la croissance française voit ses efforts réduits à néant. Deux freins vont en effet limiter le potentiel de notre économie : la soutenabilité de la dette, qui va obliger le gouvernement à mettre en ?uvre un véritable plan de rigueur sur les dépenses publiques ; et l'euro fort qui pénalise plus l'industrie française que l'industrie allemande.

On mesure là la supériorité de la politique d'offre courageuse mise en ?uvre avec ténacité depuis le chancelier Schröder. Pendant que la gauche et la droite française dilapidaient les fruits de la croissance, l'Allemagne a su construire une stratégie de compétitivité mieux adaptée au contexte de la mondialisation. En privilégiant les investissements d'avenir, la recherche, l'innovation technologique, le grand emprunt envisagé par Nicolas Sarkozy offre un élément de réponse à notre déficit de croissance. Mais le pari ne vaut que s'il est relayé par un effort équivalent voire supérieur du secteur privé.

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