Quand l'Angleterre est chocolat

Par Pierre-Angel Gay, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Décidément, l'OPA de l'américain Kraft sur le confiseur britannique Cadbury fera date. Non par ses péripéties - on attend encore une éventuelle contre-offre de Hershey ou Ferrero. Mais par les interrogations qu'elle suscite dans la société britannique. Le pays qui a élevé le libre-échange au rang de dogme et fait de la suprématie de sa place financière une priorité nationale est pris à contre-pied par la crise. Il s'interroge sur la marche à suivre.

En 2005, au temps des certitudes, Tony Blair et son chancelier de l'Echiquier, Gordon Brown, pourtant en campagne électorale, s'étaient désintéressés de la fermeture de Rover, l'un des fleurons de l'automobile britannique, abandonnant à leur sort les 6.100 ouvriers de son usine de Longbridge, les 8.000 salariés de ses concessionnaires et les 20.000 emplois de son réseau de sous-traitants. Peu de voix s'étaient élevées, au Royaume-Uni, pour s'offusquer du refus des leaders travaillistes d'utiliser l'argent public pour sauver des emplois.

Alors, entendre aujourd'hui Peter Mandelson, le numéro deux de l'équipe de Gordon Brown, promettre à Kraft une "forte opposition" du gouvernement et de la population si l'américain pensait venir? pour "faire de l'argent rapidement", sonne étrangement. Peter Mandelson retrouve les accents, très français, d'un Thierry Breton voulant enseigner au sidérurgiste Lakshmi Mittal la "grammaire du monde des affaires" lors de son OPA sur Arcelor, début 2006. Une OPA dans laquelle l'ex-patron de Bercy voyait une "incompréhension des règles de l'économie moderne", mettant sur un même pied actionnaires, salariés et clients?

Mais Peter Mandelson n'est pas le seul à pratiquer ce qui ressemble à un aggiornamento de la société britannique. Il y a quelques jours, des entrepreneurs sondés par le CBI, le patronat d'outre-Manche, émettaient pour la première fois des réserves sur la stratégie du tout-délocalisation et évoquaient leur souci de revivifier le maillage de leurs sous-traitants de proximité. Le Royaume-Uni, qui fête les trente ans de l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, commence à tourner le dos à ses idées.

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