Grandir : la nouvelle équation

Par Valérie Segond, éditorialiste à La Tribune.

Passer de l'adolescence à l'âge adulte n'a jamais été facile : on ne troque pas son vieux falzar contre un joli costard sans faire des choix. Pour les entreprises aussi, la puberté est agitée, et les nuits d'adolescence sont hantées de questionnements douloureux : faut-il, pour grandir, taper papa, maman et les copains, avant d'aller solliciter des "business angels", puis le capital-risque pour finir par aller en Bourse et, peut-être, devenir un jour un Microsoft ou un Google ? Ou faut-il se vendre à l'opérateur le plus offrant dès que l'innovation devient visible, quitte à devenir la énième division dans un râteau qui n'en a déjà que trop ?

Tous nos entrepreneurs, bien sûr, démarrent en rêvant de devenir Bill Gates ou Larry Page. Les Rueducommerce, Meetic, Modelabs, Seloger.com ou Adenclassifieds ont fait le choix de la Bourse. Mais combien d'entrepreneurs peuvent encore les imiter ? Car cela, c'était avant la crise. Depuis, l'équation a changé : les fonds se sont quelque peu taris. Et surtout, la révolution numérique, qui se déploie à l'échelle de la planète, a tellement accéléré la vie et la mort des marchés que les leaders en sont venus à tirer plus vite que leur ombre.

Aucun d'entre eux ne peut prendre le risque de voir un jour sa technologie concurrencée par un outsider : mieux vaut consolider sa rente. Aussi, pas une semaine ne se passe sans que Google, Microsoft, Apple, Cisco ou Intel qui, ensemble, disposent de près de 100 milliards de dollars, piochent dans leur trésor de guerre pour s'offrir une "start up". Quitte d'ailleurs à la surpayer franchement comme le fit, en 2005, Rupert Murdoch avec MySpace, dont l'étoile a depuis bien pâli.

Pour les entrepreneurs qui suent sang et eau, la tentation est grande de prendre l'oseille. Même si, au fond, cela s'accompagne d'un renoncement à devenir un grand. Que trois introductions en Bourse sur quatre dans le monde aient été lancées, cette année, en Asie ou en Amérique latine, est le signe que leurs entrepreneurs n'ont pas renoncé. Et de cela, nous devons nous inquiéter.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.