Mission Zelnik : non au kolkhoze musical !

Le rapport de la mission Zelnik remis le 6 janvier au ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a surtout marqué les esprits pour sa proposition de taxer Google, ou plus exactement la publicité sur Internet. Mais, parmi les vingt-deux mesures du rapport, celle consistant à collectiviser les ventes numériques d'albums en France apparaît comme une ultrarégulation du marché, source d'effets pervers dangereux.

Il est indéniable que les principales recommandations du rapport Zelnik en matière de lutte contre le téléchargement illégal de fichiers musicaux, comme l'amélioration des dispositifs existants (type crédit d'impôt) ou la création d'une "carte jeune", vont dans le bon sens. Il n'en est pas de même, en revanche, pour la gestion collective envisagée pour les ventes d'albums, qui, une fois mise en place, ne pourra qu'avoir l'effet inverse de celui recherché.

La commission part du principe que les offres en France ne sont pas suffisamment développées, faute aux principaux détenteurs de catalogues (les quatre majors de la musique) qui imposent des conditions économiques trop défavorables aux distributeurs.

Ne disposant pas de marges financières suffisantes, ceux-ci ne peuvent se développer ou même juste émerger sur le marché. Toujours selon la commission, cette mainmise des majors sur le marché impose aux indépendants d'accepter des conditions plus défavorables que celles des grands labels (il faut bien que les distributeurs reconstituent leurs marges), ce qui va jusqu'à empêcher les petits labels de rendre disponible leur musique sur certains services.

Pour remédier à ce problème, la commission propose rien de moins que collectiviser les ventes numériques d'albums en France ! Une centrale d'achat nationale de titres numériques serait constituée pour les négocier et les redistribuer ensuite.

Si le fond de l'analyse réalisée par la commission Zelnik est juste quand il indique que le marché français est insuffisamment développé, comparativement au marché américain, par exemple, le diagnostic, lui, est erroné. Avec une loi Hadopi pour lutter contre le téléchargement illégal, des technologies au point, des services et des prix accessibles, des catalogues intégralement disponibles et des investisseurs convaincus, toutes les conditions du développement du marché sont désormais parfaitement réunies pour les consommateurs. Les artistes ne sont pas en reste. N'importe quel artiste, y compris des musiciens occasionnels, peut à présent vendre ou faire découvrir sa musique sur des services légaux comme Zimbalam. Grâce à eux, la rémunération des artistes sur le numérique n'a jamais été aussi élevée en pourcentage du prix de vente.

Collectiviser la gestion numérique serait un grave retour en arrière ! Pour quelle raison pratique ou idéologique la vente du même CD serait-elle soumise aux régulations naturelles du marché pour le support physique et à la gestion collective pour le support numérique ? La gestion collective sacrifierait aussi la liberté individuelle des artistes de choisir où et comment distribuer leurs ?uvres !

Elle ignore également l'un des fondamentaux de l'économie des médias : la capacité à fixer le prix, et des règles d'utilisation des contenus. Comment peut-on gérer des opérations commerciales comme une sélection d'albums de Noël à prix réduit dans le cadre d'une gestion collective ? Comment expliquer à Patrick Frémeaux qu'il est obligé de rendre disponible l'intégralité de la "Contre-Histoire de la philosophie" de Michel Onfray en écoute gratuite sur Deezer sans lui expliquer que la rémunération qu'il percevra le rendra incapable de financer la production du prochain volume de la série ?

Enfin, la gestion collective reviendrait à supprimer la capacité des maisons de disques et des artistes à savoir où, quand, comment et par qui sont écoutés leurs disques. Perdre cette information, c'est perdre la réactivité nécessaire pour promouvoir l'artiste et courir le risque de mettre les labels dans une position financière encore plus difficile.

Toutes les conditions sont désormais réunies pour que le marché de la musique numérique se développe. L'idée de renforcer les systèmes existants ou de mettre en place une carte jeune va dans le sens de l'histoire, mais la mise en ?uvre d'une gestion collective réduirait fortement le bénéfice de ces mesures ! C'est pourquoi nous demandons l'abandon définitif de cette proposition.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.