Downing Street, à qui perd gagne

Par Philippe Mabille, rédacteur en chef et éditorialiste à La Tribune.

Le spectacle offert par la troisième grève générale en Grèce, avec les premiers morts de la crise de l'euro, aura-t-il une influence aujourd'hui sur le vote des Britanniques ? Impossible de ne pas faire le lien entre la tragédie grecque et la situation catastrophique de l'économie outre-Manche. Plombé par un déficit public comparable à celui de la Grèce, une envolée de la dette, le Royaume-Uni ne ressemble plus au pays prospère des années Blair. Le consensus social a été abîmé par la crise financière et la désillusion de la population à l'égard du New Labour est aussi profonde qu'est grand le ressentiment à l'égard des banquiers de la City.

Le procès fait à Gordon Brown est en partie injuste quand on regarde le bilan du Premier ministre sortant, qui a amélioré des services publics en déshérence depuis Margaret Thatcher et su éviter le pire en nationalisant la moitié du secteur bancaire, ce qui n'était pas vraiment dans le logiciel anglo-saxon, même chez les travaillistes. Le danger majeur de cette élection test est d'imposer aux Britanniques un gouvernement minoritaire issu d'un "parlement suspendu" qui pourrait paralyser les réformes nécessaires. Le paradoxe du scrutin uninominal à un tour est en effet de permettre tous les scénarios. Le plus vraisemblable est une courte victoire de David Cameron qui incarne l'alternance après treize ans de travaillisme.

Mais le leader du Lib-Dem, Nick Clegg, pourrait bien sortir des urnes en faiseur de roi. Son engagement proeuropéen rend peu vraisemblable une alliance avec des tories furieusement eurosceptiques. Une coalition avec les travaillistes est possible, mais Gordon Brown aura du mal à se maintenir si son score est aussi médiocre qu'on le prédit. La difficulté de la tâche qui attend le prochain gouvernement est si grande que l'élection ressemble à un jeu "à qui perd gagne", chacun ayant presque intérêt à laisser l'autre assumer la cure de rigueur qui attend le Royaume-Uni. Avec des taux d'intérêt déjà à zéro et une livre qui a dévalué de 25%, les marges de manoeuvre sont faibles. Mais la flexibilité du modèle britannique demeure son meilleur atout pour éviter un retour du FMI auquel il a déjà dû faire appel, en 1976.

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