Une troisième voie de réforme pour les agences de notation

A chaque crise, une nouvelle proposition de réforme des agences de notation. La régulation européenne centralisée, proposée dans le sillage de la crise des "subprimes", n'aurait pas permis d'éviter la crise de la dette souveraine. Les politiques proposent la création d'une agence de notation européenne, une vieille idée régulièrement sortie du tiroir. Il existe pourtant une troisième voie, celle de la délégation de service public.

Sur une proposition initiale de la France, largement soutenue par l'Allemagne, toute l'année 2009 a été consacrée par les régulateurs européens à poser les bases d'une régulation européenne des agences de notation. Le code de bonne conduite des agences de 2004 n'ayant pas suffi à éviter la crise (les agences étant désignées comme les principaux responsables), la première mesure à adopter en urgence était donc la mise en place d'une régulation centralisée à Bruxelles avec, comme fer de lance, l'obtention désormais obligatoire d'un visa européen. Une sorte de cordon sanitaire, placé sous la tutelle du CESR [Comité européen des régulateurs, Ndlr], qui doit permettre de protéger nos territoires des pratiques barbares des agences, et donc des crises qu'elles occasionnent. Trop tard, certes, pour éviter la crise des subprimes, mais à temps pour éviter de nouvelles déconvenues.

Patatras ! Un an plus tard, un autre diable surgit de sa boîte, celui de la crise de la dette souveraine. Et immédiatement, les mêmes réflexes resurgissent : c'est à nouveau la faute des agences et il faut donc envisager de nouvelles réformes. Outre que la première proposition, celle de la régulation centralisée, pouvait apparaître au mieux comme très naïve - pensait-on vraiment que les agences étaient à l'origine de la crise ? - la régulation finalement retenue consistait en un ensemble de mesures en grande partie inefficaces, voire contre-productives. Et qui n'auraient, en aucun cas, permis d'éviter la crise de la dette souveraine, tout simplement parce que rien dans cette nouvelle régulation n'aurait été de nature à empêcher les agences de s'exprimer sur la dégradation des risques souverains, grecs, portugais et espagnols. Donc à nouvelle crise, nouvelle proposition : créer une agence européenne, initiative toujours fondée sur le postulat que ce sont les agences, avant tout, qu'il faut juguler, voire punir.

Pourquoi pas ? Sauf que c'est une idée ancienne, resservie à chaque crise, avec toujours comme intention cachée de créer un contre pouvoir "européen" aux agences "américaines". Il convient donc de s'interroger sur les raisons de l'incapacité européenne, depuis trente ans, et malgré plusieurs tentatives, à créer une telle agence. De plus, qu'entend-on par agence européenne ? Est-ce une question de nationalité des actionnaires ? Dans ce cas, il existe déjà une agence européenne, et même française, Fitchratings.

Serait-ce alors une question de couverture des risques, de localisation géographique des bureaux, de nationalité des analystes ? Les banques doivent-elles entrer au capital ? Mais, dans cette hypothèse, qui pourrait noter les banques ? Alors des Etats ? Mais alors, l'agence ne pourrait pas les noter non plus. C'est, en tout cas, par ces questions qu'il faut commencer.

Il existe une troisième voie, qui, curieusement, n'a jamais été explorée : la délégation de service public, ou un mode similaire, dans lequel une entité publique (par exemple un régulateur européen) confierait aux agences de notation la gestion du service d'analyse et de suivi des risques de crédit dont elle a la responsabilité. C'est d'ailleurs bien sur ce mode que la SEC avait initialement délégué à des entités privées, ayant jusque-là le statut de journaux financiers, par la suite devenus les agences de notation, la mission de notation du risque de crédit. Le modèle économique des agences est compatible avec le mode de rémunération d'une délégation de service public basé sur l'exploitation du service délégué par le délégataire.

Quel serait l'intérêt ? En contrepartie de cette délégation, le délégant serait en droit d'imposer aux agences un ensemble de mesures qui seraient seules à même de modifier leur mode de fonctionnement. Par exemple, le déléguant pourrait imposer aux agences le soin de réinvestir une partie de leur marge en ressources humaines, un point clé lorsqu'on sait à quel point elles souffrent d'un manque chronique de ressources.

Réformer les agences, oui, mais sans se tromper de combat : le problème est d'abord dans la capacité des politiques à adopter des réformes pertinentes et dans celle des régulateurs à les faire appliquer.

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