Du tango argentin à la tragédie grecque

Par Xavier Harel, journaliste au service International de La Tribune.

Le plan de sauvetage de 750 milliards d'euros adopté ce week-end par l'Union européenne a permis de stopper net la contagion de la crise grecque au sein de la zone euro. Les taux d'intérêt exigés par les marchés pour acheter des obligations portugaises, espagnoles ou irlandaises ont fortement baissé. La Grèce est-elle pour autant sortie d'affaire ? Les marchés exigent toujours des rendements élevés pour détenir des obligations grecques. Athènes a d'ailleurs demandé mardi à la Commission européenne de tirer une première tranche de 20 milliards d'euros sur le plan de 110 milliards d'euros mis en place par l'Union européenne et le FMI.

"Une restructuration de la dette grecque semble inévitable", estime Domingo Cavallo. L'économiste argentin est bien placé pour apprécier la situation. Il fut ministre de l'Economie du gouvernement Fernando De la Rúa de mars à décembre 2001, date à laquelle l'Argentine a tout simplement fait faillite. Malgré les plans de sauvetage massifs du FMI, malgré un plan "Déficit zéro", malgré le rééchelonnement de la dette. Avec le recul, Domingo Cavallo juge tout simplement "impossible" de résoudre l'équation qui lui incombait à l'époque : "équilibrer les finances publiques au milieu d'une profonde récession, sans possibilité de restructurer une dette publique devenue trop lourde".

Une équation qui ressemble terriblement à celle que doit résoudre aujourd'hui le ministre grec des Finances Georges Papaconstantinou. La Grèce est aujourd'hui prise dans la même nasse que l'Argentine il y a dix ans. Une tragédie en trois actes qui semble se jouer indifféremment en espagnol ou en grec.

Premier acte. La Grèce a renoncé à son indépendance monétaire en rejoignant la zone euro. Tout comme l'a fait l'Argentine en décidant d'arrimer le peso au dollar en 1991 pour mettre fin à des années d'hyperinflation.

Dans un premier temps, Buenos Aires et Athènes ne voient que des motifs de satisfaction à ce nouvel arrimage. Mais en 1998, la chute du real brésilien, dernier domino de la "crise asiatique" partie de Thaïlande en août 1997, provoque un renchérissement fatal du peso argentin. Les exportations s'effondrent, le pays bascule dans la récession, les finances publiques se dégradent.

Entrée un peu par effraction dans la zone euro, le parcours de la Grèce n'est guère différent. Une inflation plus élevée que dans le reste de la zone euro et l'appréciation de la devise européenne depuis le début de la décennie ont entraîné une lente dégradation de la compétitivité grecque qu'elle paye d'un dérapage des finances publiques.

Deuxième acte. Les marchés financiers doutent de la capacité de remboursement de l'Argentine, à la fin des années 1990, de la Grèce aujourd'hui, exigeant des taux d'intérêt punitifs. Une nouvelle fois, le FMI ainsi que l'Union européenne volent au secours de la Grèce avec un plan de 110 milliards d'euros sur trois ans assorti de conditions drastiques. La Grèce doit réduire ses déficits de 11 points de PIB en trois ans. Du jamais-vu sans dévaluation !

Troisième acte. Les mesures d'austérité, en Argentine hier, en Grèce aujourd'hui, suscitent la fronde de la population et enferment le pays dans la récession. La Grèce, comme l'Argentine hier, n'atteindra probablement pas les objectifs fixés. L'Union européenne et le FMI exigeront de nouvelles mesures d'austérité, enfermant le pays dans un cercle vicieux.

Domingo Cavallo tire trois leçons de la crise argentine. La Grèce ne peut pas se permettre de sortir de la zone euro car le coût en serait trop élevé. Un rééchelonnement de la dette grecque (113% du PIB cette année) s'impose, mais il doit être réalisé à froid. Enfin, l'assainissement des finances publiques grecques ne peut pas se limiter à réduire les dépenses et à augmenter les impôts. Il est essentiel de restaurer la compétitivité de l'économie. Et Domingo Cavallo a une solution. Une baisse massive des charges sociales pesant sur les salaires, financée par une hausse de la TVA, aurait, selon lui, le même effet qu'une dévaluation.

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Commentaires 6
à écrit le 14/05/2010 à 10:45
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A José: A qui profiterai une baisse des charges sociales, aux entreprises grecques (et à leurs compétitivité). A qui la hausse de la TVA, aux coffres de l'Etat. C'est quoi une dévaluation? C'est rendre uniformément la population d'un état plus pauvre...

à écrit le 12/05/2010 à 20:01
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Interroger Domingo Cavallo pour trouver des solutions à la crise grecque, lui qui fait partie des principaux responsables de la banqueroute argentine en 2001, on se moque de qui ?

à écrit le 12/05/2010 à 19:13
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A Bérénice: désolé ma chère, il ne s'agit pas du premier ministre dans le texte, mais du ministre grec des finances...

à écrit le 12/05/2010 à 18:31
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A qui profiterait une baisse massive des charges sociales, et à qui une hausse de la TVA, taxe égalitaire mais absolument inéquitable? Toujours des solutions libérales à un problème engendré par le libéralisme...

à écrit le 12/05/2010 à 16:51
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bonjour

à écrit le 12/05/2010 à 11:14
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Pour votre info, le premier ministre grec ne s'appelle pas Papaconstantinou mais Papandréou... Bérénice et son blog athénien "Les Carnets de Bérénice"

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