Anticonstitutionnellement

Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

Dans le feu de l'action, inscrire dans la Constitution un objectif de réduction des déficits publics sera peut-être salué comme une bonne idée. A y regarder de près, une masse de problèmes apparaissent. Le premier est que la Constitution n'est pas faite pour ça. Elle sert à organiser les pouvoirs publics et à protéger les droits fondamentaux des citoyens. A moins de considérer qu'accroître la dette porte atteinte aux droits fondamentaux des générations à venir (au demeurant, ça se défend), on ne voit pas très bien la nécessité de constitutionnaliser ce qui est une simple politique publique.

Deuxième problème : l'aveu de faiblesse politique. Les gouvernements auraient besoin d'une gangue constitutionnelle pour résister aux groupes de pression et à leurs propres dérives. Troisième problème : la faisabilité. Où serait la majorité de trois cinquièmes des deux chambres pour inscrire cet engagement dans la Constitution ? Les partisans de la relance, comme on disait autrefois, dominent à gauche et existent à droite. En France, les économistes mettent toujours en avant la demande intérieure, et les hommes politiques le pouvoir d'achat, au détriment de la compétitivité extérieure.

Par ailleurs, l'intervention publique a plutôt bonne presse. Dans cette conception largement répandue, s'imposer le déficit zéro, c'est châtrer l'Etat. Sachant tout cela, et pourquoi Nicolas Sarkozy serait-il le seul à ne pas le savoir, pourquoi fait-il cette proposition ? D'abord pour rassurer les Allemands et faciliter le vote vendredi au Bundestag de l'énorme paquet de 750 milliards décidé pour contrer la spéculation sur l'euro. Angela Merkel, de son côté, a multiplié les initiatives politiques pour montrer sa détermination à briser les attaques contre la monnaie et les banques allemandes.

Ensuite, ce qui serait inscrit dans la Constitution française serait singulièrement plus vague que la version allemande interdisant les déficits structurels à partir de 2016. Au début de chaque législature, les gouvernements s'engageraient sur des objectifs de réduction. Ah, bon, on a eu peur !

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Commentaires 3
à écrit le 25/05/2010 à 20:36
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La seule solution pour empêcher un joueur compulsif de se ruiner est de l'interdire des casinos. La seule solution pour empêcher nos politiciens (de tous bords), emprunteurs compulsifs, de nous ruiner est d'interdire les déficits de fonctionnement d...

à écrit le 25/05/2010 à 8:13
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Celà ne peut pas faire de mal. Les Français sont tellement réticents à tout changement qu'inscrire le principe dans la constitution rendrait les dispositions à prendre plus acceptables pour le grand public.

à écrit le 23/05/2010 à 12:19
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Je ne cesse d' être interloqué face à cette valse incessante de milliards d' euros que les politiques et les banquiers ne cessent d' agiter devant nos yeux, incrédules, car depuis toujours, les caisses ne sont elles pas vides de chez vides? Au lieu d...

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