Nicolas Sarkozy et l'épreuve du feu de la gouvernance mondiale

La faillite de la banque américaine a provoqué un cycle de réunions du G20 visant à réformer la finance internationale et la gouvernance mondiale. Deux ans après, La Tribune dresse en cinq volets un état des lieux des réflexions, des avancées et des décisions prises par les grandes puissances.

A moins de deux mois du début de la présidence française du G20, le 12 novembre, Paris croit-il vraiment à sa mission ? Les priorités que Nicolas Sarkozy a fixées à cette occasion, fin août, ne manquent pas de pertinence : réforme du système monétaire international, lutte contre la volatilité des prix des matières premières et approfondissement de la gouvernance mondiale. Mais au moment où le G20 perd sa ferveur des premiers sommets, au fur et à mesure que s'éloigne la crise, ces trois chantiers paraissent d'une ambition extrême. Ils viennent en outre se surajouter à ceux déjà ouverts en 2008 et 2009, dont certains sont encore inachevés, et risquent de susciter un malaise parmi les partenaires de la France. Et pour cause.

Chacun des thèmes retenus par Paris porte en lui de quoi réveiller les pires tensions entre les pays, développés et émergents, membres du G20.

En matière de gouvernance internationale, le président français a proposé de créer un secrétariat qui puisse assurer le suivi des engagements pris, lors des sommets, par les chefs d'Etat et de gouvernement. Il voit à juste titre dans cette nouvelle enceinte internationale, dont il revendique la paternité, un format représentatif de la diversité mondiale, de la montée en puissance de certains pays du Sud (Chine, Inde, Brésil...) et capable d'une plus grande efficacité que la lourde machinerie onusienne dont il critique vertement l'inertie.

D'où son souhait de voir les compétences du G20, au départ très polarisé sur les questions financières, s'étendre à d'autres domaines plus larges et intéressant toute la communauté internationale, les fameux biens publics mondiaux : l'agriculture, le développement, le commerce, les grands équilibres macroéconomiques, voire le changement climatique. La liste n'est pas figée, mais elle exclut a priori les questions relevant de la défense ou du terrorisme qui pourraient rester l'apanage du G8.

Selon la vision française de la gouvernance internationale du XXIème siècle, le G20 pourrait endosser les habits d'un Conseil économique et social international, inspiré du modèle du Conseil de sécurité à l'ONU, mais en plus légitime et puissant.

 

Ce scénario pourrait séduire certains pays émergents que rassure le principe égalitaire d'un pays, une voie, inspiré là encore de l'ONU contrairement aux institutions de Bretton Woods (Fonds monétaire international et Banque mondiale). Mais les Etats-Unis, première puissance mondiale, sont-ils réellement prêts à une telle redistribution des cartes sur la scène internationale ? On peut en douter.

Autre ambition affichée par Paris, remettre à plat les relations Nord-Sud en brusquant le moins possible les pays émergents. Sur la question du développement par exemple, les pays "riches" entendent reconsidérer la conception traditionnelle de l'aide publique au développement dont a bénéficié le Sud ces dernières décennies. Aux doutes sur l'efficacité de cette aide, s'ajoute l'argument plus prosaïque des finances publiques exsangues des nations du Nord, grevées par le coût de la crise et, bientôt, par celui du vieillissement des populations.

Même si les dirigeants du Nord ne le formulent pas aussi explicitement, ils aspirent à ce que les plus avancés des pays émergents puissent rapidement partager avec eux le fardeau de l'aide au développement. Quel meilleur cadre pour les en convaincre que l'enceinte égalitaire du G20 ?

Poussant un peu plus loin encore le raisonnement, Nicolas Sarkozy veut exhumer la question sensible des distorsions de concurrence dans les échanges commerciaux entre pays qui s'imposent des contraintes sociales et environnementales et ceux qui s'affranchissent des premières et commencent seulement à s'inquiéter des secondes. Les pays du Sud avaient des droits, ils vont à présent découvrir qu'ils ont aussi des devoirs, comme en a pris conscience la Chine dans le dossier des paradis fiscaux.

La marge de manoeuvre du président français est étroite. Il ne peut pas prendre le risque de rouvrir la fracture Nord-Sud. Surtout, nul ne peut prédire si la "dynamique de mobilisation" des prochains sommets du G20 lui sera favorable. Celui programmé à Séoul, qui doit donner le coup d'envoi de la présidence française, servira de test de la volonté des principaux pays de la planète de se forger un avenir commun.

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