Retraites : une autre réforme était possible

Par Jean-Olivier Hairault, professeur à l'université Paris I et à l'Ecole d'économie de Paris.

Il n'y aura pas de pacte national sur les retraites. L'opposition est maintenant frontale entre le gouvernement, d'un côté, et les syndicats et les partis de gauche, de l'autre. Cette situation risque de miner la confiance dans notre système de retraite, et plus généralement dans notre modèle social. La responsabilité en revient d'abord au gouvernement qui s'est engagé dans une voie qu'il savait conflictuelle. L'efficacité de la réforme repose sur son iniquité : le report de l'âge légal de 60 ans à 62 ans va faire travailler plus longtemps ceux qui ont commencé plus tôt à travailler ; le report de l'âge d'obtention automatique du taux plein de 65 à 67 ans va frapper ceux qui ont eu des carrières incomplètes.

Une autre réforme était possible : elle passait par une augmentation de la durée de cotisation qui aurait permis de faire reculer l'âge effectif de la retraite tout en assurant l'équité dans les durées de carrière. La durée de cotisation aurait pu être portée à 44 années en 2024 par une augmentation d'un trimestre à partir de 2012. Les Français commençant à 18 ans auraient atteint le taux plein à 62 ans comme dans le projet de réforme, mais ceux débutant à 22 ans auraient également dû décaler jusqu'à 66 ans, tandis que les moins qualifiés qui débutent à 16 ans auraient naturellement conservé leur retraite à 60 ans.

Cette réforme par la durée de cotisation aurait-elle été acceptable, au moins par une partie de l'opposition et des syndicats ? La CFDT s'est prononcée pour cette solution lors de son dernier congrès, même si des conditions préalables étaient posées. Mais il lui était certainement difficile de signer seul un nouvel accord après celui de 2003. La position du Parti socialiste aurait été décisive. Il lui aurait fallu préciser ce qu'il entend par retraite choisie, puisque ce concept est devenu le coeur de son contre-projet.

Pour son aile gauche, c'est la liberté de partir à 60 ans dans un régime de retraite inchangé, en particulier sans décotes supplémentaires, certains souhaitant même un retour à une durée de cotisation de 37,5 années. Pour son aile droite, c'est la liberté de choisir son âge de la retraite entre des bornes d'âge inchangées, mais avec des niveaux de retraite variables en fonction de la durée de cotisation effective dans un système par points à la suédoise.

 

De façon cruciale dans ce système, la valeur du point doit équilibrer le régime par répartition et il est indexé en particulier sur l'espérance de vie. De ce point de vue, confronté à l'augmentation de l'espérance de vie, ce système revient à accroître la durée de cotisation pour maintenir le niveau des retraites (à taux plein).

Pour la direction du Parti socialiste, le concept de retraite choisie permet de ne pas choisir... et consiste en un plaidoyer pour une meilleure adaptation des conditions de travail et de retraite aux aspirations individuelles en fin de carrière : améliorons les conditions de travail, favorisons les parcours à la carte et les seniors reculeront naturellement leur âge de départ à la retraite. Il ne s'agit pas de sous-estimer cette problématique, mais elle fait volontairement l'impasse sur des questions plus conflictuelles qui pèsent beaucoup plus lourd dans les choix de départ des seniors : la durée de cotisation pour avoir le taux plein, le montant des décotes et des surcotes. Cette impasse permet à la direction du Parti socialiste de rester dans un grand flou concernant l'opportunité et le calendrier d'une augmentation de la durée de cotisation.

Nul doute qu'une réforme gouvernementale privilégiant la voie de la durée de cotisation aurait obligé le Parti socialiste à préciser les contours de sa retraite choisie. Elle aurait surtout permis d'avoir un débat moins caricatural, à même de déboucher sur une solution consensuelle, seule susceptible au final de convaincre nos concitoyens de l'urgence de travailler plus longtemps.

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