Le double visage de la politique climat de la Chine

Par Laurence Tubianat fondatrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales à Paris (Iddri). Le texte ci-dessous reprend une partie de son intervention, le 7 octobre, à l'occasion de la "Conférence de rentrée 2010" du China Institute, consacrée à la croissance durable en Chine. Cet événement était organisé en partenariat avec "La Tribune", le groupe Huawei et la Fondation Prospective et Innovation.

Au jeu de « À qui la faute ? » initié lors de la dernière nuit de Copenhague, la Chine fait partie des favoris, notamment vue des États-Unis. Les oppositions chinoises s'organisent autour de trois points : l'équité de l'accord et les possibilités de développement, le respect de la souveraineté, les liens potentiels entre le commerce et les négociations sur le climat.

Le premier point tient à la nécessité pour la Chine, premier émetteur de gaz à effet de serre, d'envisager, même à terme, une réduction absolue des émissions. Pour la Chine, l'équation implicite de la négociation, entre la volonté de limiter la hausse de température moyenne à 2 degrés et les réductions annoncées des pays développés, est inacceptable sur le plan politique. La Chine n'a plus assez d'espace pour se développer sur la base des tendances actuelles de croissance de ses émissions. D'où la provocation de Xie Zen Hua, le négociateur chinois, affirmant que « les émissions chinoises ne diminueraient que lorsque le revenu par tête atteindrait 40.000 dollars », soit le niveau américain. Plus raisonnablement, un critère juste sur le partage de l'espace carbone serait d'adopter des objectifs d'émissions cumulées par tête convergents en 2050.

Si la Chine a accepté de rendre publiques ses intentions en matière de politique du climat en affichant des objectifs pour 2020 en « intensité carbone », elle est cependant hostile à toute ingérence internationale : la surveillance et la vérification de ses actions, par une autorité internationale, n'ont été acceptées que dans leur principe et les modalités font l'objet d'une bataille difficile. Si la Chine est aujourd'hui hostile à l'adoption d'un accord contraignant et global, c'est autant pour protéger sa souveraineté que pour se prémunir de liens futurs entre règles de l'OMC et règles sur le changement climatique. La Chine craint de se voir opposer à l'OMC un accord « climat » qui pourrait justifier l'instauration des taxes aux frontières.

La Chine est-elle pour autant hostile à toute action sur le climat ? Si l'on en croit le gouvernement chinois et la préparation du XIIe Plan, pas du tout. Depuis 2009, la Chine a adopté le principe d'un développement sobre en carbone, avec des mesures concrètes à la clé. Le XIe Plan avait déjà pour objectif une réduction significative de l'intensité énergétique du PIB chinois (20% sur cinq ans, objectif quasiment atteint) et un programme de mesures visant à faire baisser la facture énergétique. Le XIIe plan, qui débute en 2011, réaffirme ces priorités dans un scénario de long terme de découplage entre croissance économique et émissions de gaz à effet de serre. Les mesures poursuivent et accélèrent donc la tendance amorcée : fermeture d'usines trop polluantes, expérimentation de marchés carbone, projet d'une taxe carbone, révisions à la hausse des normes en matière de construction, investissement dans les transports collectifs et dans les technologies d'énergie propre (près de 80 milliards de dollars), sans parler de l'important programme nucléaire.

Au total, selon Grantham Institute, près de 1 milliard de tonnes évitées en équivalent CO2 en 2020, contre 1,3 milliard pour les États-Unis et 1 milliard pour l'Europe. Le programme climat chinois figure donc parmi les plus ambitieux du monde. Cette orientation s'appuie sur un secteur industriel des énergies renouvelables très dynamique et très aidé et une planification à long terme des investissements. La politique de la Chine a donc un double visage : réticente à l'extérieur, volontariste à l'intérieur. Le gouvernement a choisi la scène intérieure pour avancer et imposer des idées qui ne font pas l'unanimité, et la fermeté dans les débats internationaux est sans doute nécessaire à sa marge de manoeuvre interne.

Ce faisant, la Chine rejoint dans sa vision de l'action internationale ceux qui la critiquent le plus violemment. Ses positions sont finalement très proches des positions américaines. Le consensus implicite des deux grandes puissances mondiales a cependant une faille : le niveau des engagements proposé sur cette base unilatérale à Copenhague rend très difficile - sinon impossible - la réalisation de l'objectif affiché de limiter la hausse des températures moyennes. Aller plus loin suppose un accord international, sous quelque forme qu'il soit, qui rende crédible le pari de ce nouveau paradigme.

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