Conjuguer la promotion des femmes et la gestion des compétences

Les femmes sont aujourd'hui encore sous-représentées aux postes de décision. S'ajoutant à une mauvaise gestion de la transition des compétences, cette carence laisse présager de grandes difficultés dans les années à venir.
Marta NASCIMENTO / REA

L'augmentation du nombre de femmes à des postes de responsabilité en entreprise est vitale pour notre pays. Contraintes par la loi, les entreprises s'y résoudront, mais n'étant pas préparées, elles connaîtront des difficultés lourdes de conséquences sur l'activité économique. Régulièrement, le sujet est mis sous les feux des projecteurs, à l'occasion du Women's Forum par exemple, lors de la journée de la femme ou bien lorsque le gouvernement s'en saisit, comme récemment dans le cadre de la discussion de la loi sur les retraites.

Les femmes sont sous-représentées aux postes de décision : une récente étude de McKinsey indique que les femmes, qui représentent pourtant 55 % des diplômés Bac + 4 en France, ne sont que 7 % dans les comités exécutifs.

Le problème est européen, mais il est particulièrement prégnant en France. Conjugué à une mauvaise gestion de la transition des compétences, il laisse présager de grandes difficultés dans les dix années à venir. En effet, beaucoup de postes à haute responsabilité vont être vacants, du fait de la pyramide des âges, et seront confiés à des femmes. Mais les postes qualifiés ne leur étant actuellement pas assez ouverts, ces femmes n'auront pas acquis l'aisance et l'expertise qu'une progression de carrière continue donne à leurs homologues masculins. Il sera donc aisé de pointer leurs insuffisances. Les entreprises risquent alors de démultiplier l'effet Edith Cresson, c'est-à-dire de disqualifier des femmes très compétentes en leur assignant des postes qui supposent une certaine préparation politique et technique. De plus, une fois en poste, les femmes s'apercevront que leurs modes de management seront évalués en fonction de valeurs masculines.

La France se trouve d'autant moins préparée à assumer cette transition des compétences (des rôles et des modèles au travail) qu'avec la crise les entreprises ont eu tendance à privilégier des valeurs refuges et se sont alignées sur des comportements traditionnels pour minimiser les prises de risques. Cela conduit donc fatalement à entretenir les inégalités.

Il n'y aura certes pas de progrès sans quotas, mais il faut aller bien au-delà, et amorcer un véritable changement d'attitude. Il est urgent, dans notre pays et au niveau européen, de conduire une réflexion sur le passage de relais. Il est également important de mener des actions de sensibilisation aux discriminations inconscientes que nous reproduisons. L'objectif est de parvenir à l'interchangeabilité hommes-femmes dans l'entreprise. Nous y arrivons très progressivement dans le couple : les hommes prennent plus facilement part aux tâches qui incombaient auparavant uniquement aux femmes, quoique des études très pointues soulignent que le ratio homme-femme pour les tâches ménagères est passé en 40 ans de 5 %-95 % à 20 %-80 %. Il faut à présent prolonger ces efforts au sein de l'entreprise.

La formation a un rôle important à jouer. Au Royaume-Uni, 10 % des montants investis en formation continue le sont pour des formations spécifiques dédiées aux femmes. En France, ce pourcentage est de 0,1 %.

Par ailleurs, la recherche sur le genre et la construction des identités sexuées draine par exemple plus de 500 millions de dollars aux États-Unis, au Canada et en Australie pour déboucher sur des résultats tangibles. En revanche, en France, nos universités et nos centres de recherche ne font que timidement esquisser les débats sur le genre en les limitant à la littérature et à la sociologie du travail. Notre pays peut et doit mieux faire pour que les femmes puissent jouer pleinement leur rôle dans l'entreprise et pour le bien de l'économie. Les rapports des Nations unies de 2003 et celui du Global Entrepreneurship Monitor de 2007 soulignent combien, dans le monde, les femmes partagent bien mieux que les hommes les gains de leur travail et les bénéfices tirés de l'activité de leurs entreprises en les redistribuant en termes de dons directs et indirects destinés à l'éducation, la santé et le développement de projets locaux.

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