Comment mieux protéger le secret des affaires

Notre droit serait, à la lumière de l'actualité récente autour de Renault, insuffisamment protecteur du secret des affaires. L'arsenal juridique à la disposition de l'entreprise permet pourtant de prévenir et de réprimer la plupart des comportements attentatoires au secret des affaires.

Les incriminations générales d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance, punies de 5 et 3 ans d'emprisonnement et de 375.000 euros d'amende, interdisent respectivement aux mandataires sociaux et aux salariés de détourner les biens, même immatériels, de l'entreprise, seule étant licite l'utilisation de documents dont le salarié a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions pour les "stricts" besoins de sa défense prud'homale.

Dans le même temps, le recel réprime le bénéfice de pareils détournements. Et lorsque ce dernier est facilité par une activité professionnelle ou commis en bande organisée, il est puni de 10 ans d'emprisonnement et de 750.000 euros d'amende, étant précisé que les amendes peuvent être portées jusqu'à la moitié de la valeur des biens recelés. A noter que si le receleur est une personne morale, elle encourt le quintuple de l'amende dont il s'agit. Enfin et quand bien même l'auteur du détournement demeure inconnu, le receleur n'est pas à l'abri de poursuites, serait-il domicilié à l'étranger.

Parallèlement, les textes réprimant le vol, l'escroquerie, l'accès frauduleux dans un système informatique, la compromission du secret de la défense nationale, l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, la corruption publique ou privée, la concurrence déloyale, la contrefaçon, la violation des secrets de fabrique peuvent être invoqués, parfois même en concours.

En l'état du droit positif, les tribunaux, qui ne retiennent certes pas systématiquement toutes ces infractions, entrent régulièrement en voie de condamnation sur le terrain, à tout le moins, de l'abus de confiance : dans les affaires Valeo, Michelin et Clearstream, les juridictions correctionnelles ont prononcé, de ce chef, des peines allant jusqu'à 2 ans d'emprisonnement avec sursis voire même, dans l'une d'entre elles, une partie ferme. Quant au receleur des fichiers clients volés à la société ADT France, il a été puni d'une peine d'emprisonnement de 8 mois avec sursis. Des peines d'amende ainsi que des condamnations à des dommages-intérêts ont également été prononcées.

La protection du secret des affaires n'est pas au demeurant l'apanage du seul juge répressif. En matière de recherche des preuves, s'il a été jugé que le secret ne constitue pas, en lui-même, un obstacle à la mise en oeuvre de l'article 145 du Code de procédure civile (CPC) qui permet, si le demandeur justifie d'un motif légitime, d'obtenir, avant tout procès, de conserver ou d'obtenir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution de celui-ci ? les mesures d'investigations générales sont prohibées tandis que le juge doit prévenir tout risque de détournement des documents et informations sollicités. Un arrêt (Caen, 9 juillet 2009) s'est d'ailleurs opposé au dévoiement de ce texte en jugeant que la légitimité d'une demande de communication forcée de documents doit s'apprécier au regard du droit tout aussi légitime de l'entreprise à exercer son activité, laquelle peut nécessiter une certaine confidentialité. En outre, il a récemment été fait application de l'incrimination de recherche de renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves dans une procédure étrangère (loi du 26 juillet 1968 modifiée, dite loi de blocage) à un prévenu qui s'était affranchi des règles conventionnelles pour s'enquérir des circonstances dans lesquelles le conseil d'administration d'une société française avait pris la décision d'acquérir une société étrangère.

Les nouvelles dispositions répressives actuellement à l'étude et qui ont vocation à protéger le secret des affaires n'auront donc de sens que pour autant qu'elles complètent utilement le dispositif actuel. À ce titre, les informations susceptibles de bénéficier du marquage "confidentiel entreprise" devront être précisément définies, afin d'éviter tout abus. Par ailleurs, l'article 145 du CPC devra être revu en conséquence. Surtout, la justice devra se voir doter des moyens d'enquête requis pour agir avec célérité dans des dossiers complexes comportant des éléments d'extranéité. Le rapport 2010 de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (Cepej) confirme que c'est là que le bât blesse. Autrement dit, on ne construit pas des murs en empilant des pierres.

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