« Ne cassons pas le thermomètre »

L'influence des agences de notation tient surtout au rôle que les régulateurs leur donnent dans les réglementations financières.
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Clouées au pilori au lendemain de la crise des subprimes, menacées par les États et les banquiers centraux en pleine crise de la dette souveraine, les agences de notation, Standard and Poor's et Moody's en tête, persistent à agir, à alerter, à dégrader. Face à l'opprobre, elles promettent plus de transparence, une meilleure éthique, des méthodologies affinées mais elles contestent avec force les intentions malveillantes qu'on leur prête. Pour résumer, elles ne sont en rien responsables de la dégradation des finances publiques ni de la spéculation sur les marchés. Les arguments ne manquent pas.

Au pouvoir excessif et incontrôlé dont on les accuse, les agences répondent tout d'abord par la dérive budgétaire des États qui sollicitent de plus en plus les marchés financiers pour boucler leur fin de mois. « Les États ont longtemps été considérés comme le pire des emprunteurs », rappelle Jean-Michel Six, chef économiste Europe chez Standard and Poor's, lors d'une table ronde organisée le 4 juillet par l'agence de notation américaine autour du thème « Faut-il noter les États ? ». Et d'enfoncer le clou : la dette souveraine représente désormais près de la moitié du marché obligataire mondial, soit 41.000 milliards de dollars, et les investisseurs ont besoin d'une opinion sur la qualité de ce papier, surtout en période de crise.

« Casser le thermomètre n'est pas une solution », renchérit Alexendra Dimitrijevic, responsable des critères de notation souveraine chez S&P, en réponse de la volonté de l'Union européenne de « suspendre la notation » des pays sous perfusion internationale. Elle rappelle au passage le rôle d'une notation : offrir aux investisseurs une mesure relative du risque de défaut, autrement dit, de la capacité d'un débiteur à rembourser sa dette en « temps et en heure ». Point. « Et cela fonctionne », ajoute Alexandra Dimitrijevic, chiffres à l'appui : « Un État noté CCC affiche un taux historique de défaut de 40 % dans l'année qui suit, et de 70 % dans les cinq ans. »

Les agences de notation, souvent attaquées sur leur méthodologie, regrettent en retour le manque de transparence des États eux-mêmes, l'absence de dialogue et une trop forte dépendance aux statistiques officielles qui peuvent manquer de fiabilité. Mais surtout elles rappellent qu'une note est une opinion «parmi d'autres» sur la qualité d'une dette. Les banques disposent de leur système de notation interne, les gérants sont supposés apprécier le risque d'un actif selon leurs propres critères et non suivre aveuglément l'opinion des agences de notation et quantité de produits structurés de crédit, comme les fameux CDS, s'exonèrent de leur jugement. Et si les agences de notation ont pris tant d'importance ces dernières années, c'est avant tout parce que les régulateurs eux-mêmes ont donné à la notation externe un rôle prépondérant dans les réglementations financières.

Même la BCE en a l'usage

Même la BCE, qui ne dispose pas de système de notation interne, fait explicitement référence aux ratings dans ses critères d'éligibilité d'actifs apportés à son bilan comme garantie ! Difficile, dans ces conditions, de prôner une « désintoxication » de la notation financière !

Enfin, et c'est sans doute le meilleur rempart des agences, personne n'a à ce jour proposé de solution alternative crédible à la notation financière. Remplacer le rating par des indicateurs de marché? Un remède pire que le mal. Renforcer la concurrence? Elle est déjà féroce et elle a conduit à ses surenchères catastrophiques dans les produits structurés. Une agence européenne sous contrôle de l'Union européenne ou de la BCE? Le conflit d'intérêt serait permanent. Mieux encadrer la communication des agences, mieux surveiller les méthodologies, davantage responsabiliser les investisseurs dans leur choix d'allocation d'actifs sont sans doute des pistes de réformes plus convaincantes. Mais, malgré l'agitation, les agences de notation ont encore de beaux jours devant elles.

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