Le massacre boursier des éléphants de la high-tech

Alors que les investisseurs encensent les jeunes pousses du Web, les poids lourds de l'informatique n'ont jamais été aussi faiblement valorisés depuis près de vingt ans. Pourtant, ils disposent de relais de croissance et de montagnes de trésorerie.
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Les valorisations astronomiques de Facebook, Twitter et autres start-up de l'Internet masquent une réalité bien différente pour les « éléphants » de la high-tech américaine. Alors que le réseau social LinkedIn, créé en 2003 et coté depuis le 19 mai, pèse déjà près de 10 milliards de dollars à Wall Street, soit 6.212 fois (!) le bénéfice par action estimé pour 2011, nombre de « dinosaures » de la high-tech se traitent sur la base de multiples inférieurs à 10. C'est le cas de Microsoft, qui, tout numéro un mondial des logiciels qu'il soit, affiche un PER (rapport cours sur bénéfice par action) de 9,6. Idem pour Intel, pourtant premier fabricant de semi-conducteurs au monde. Et que dire de HP ! Le premier groupe mondial de technologie - avec un chiffre d'affaires de 126 milliards de dollars en 2010 - se paie 7,3 fois ses bénéfices.

Ces valorisations, très inférieures à la moyenne (13,5) de l'indice S&P 500, sont « les plus faibles dans le secteur depuis 1995 », affirment les analystes de Bank of America-Merrill Lynch. Pourtant, grâce à la reprise des investissements informatiques des entreprises, gelés durant la récession de 2009, le bénéfice par action des fabricants d'ordinateurs et des éditeurs de logiciels devrait grimper en moyenne de 24 % cette année, soit une croissance supérieure de 7 points à celle attendue pour les sociétés du S&P 500.

Pourquoi, contrairement à la bulle Internet de la fin des années 1990, quand le PER de Microsoft culminait à 81, celle qui se dessine aujourd'hui ne profite-t-elle pas aux poids lourds de l'informatique ? Comment expliquer que ces géants connus et reconnus soient moins prisés des investisseurs que des start-up encore déficitaires ? Justement, nous ne sommes plus en 1999, quand Microsoft, Intel ou HP pouvaient encore être considérés comme des valeurs de croissance. Nées en 2010 avec l'iPad d'Apple, les tablettes tactiles semblent avoir sonné le début de ce que Steve Jobs, le visionnaire patron d'Apple, nomme « l'ère post-PC ».

Concurrencés par les tablettes, mais également par les smartphones, les ordinateurs devraient représenter moins de la moitié (48 %) des ventes mondiales d'équipements informatiques dès 2011, selon le cabinet Deloitte. Du jamais vu. Tout comme la baisse du marché mondial des PC au premier trimestre 2011. Or la fin de règne du PC est tout sauf une bonne nouvelle pour Microsoft, qui tire plus de la moitié de son bénéfice opérationnel de Windows, son logiciel qui équipe 90 % des PC dans le monde. L'ère post-PC ne fait bien sûr pas non plus les affaires de HP ni de Dell, respectivement premier et deuxième fabricant d'ordinateurs au monde. Ni d'Intel, qui conçoit les puces équipant les ordinateurs. Pionnier des tablettes et des smartphones, Apple affiche d'ailleurs un PER de 14,4, bien supérieur aux valorisations des autres éléphants de la high-tech.

Mais, de la même façon que les investisseurs semblent survaloriser tout ce qui a trait à Internet, ne sous-estimeraient-ils pas le potentiel des dinosaures de la high-tech ? Brian Belski, analyste chez Oppenheimer, en est convaincu, qui a pour valeurs favorites Microsoft, Intel, HP, Dell et l'éditeur de logiciels Adobe. Il faut dire que ces mastodontes de l'informatique ne restent pas les bras croisés. Les PC passent de mode ? Qu'à cela ne tienne, Intel vient de se diversifier dans les puces pour tablettes. De la même façon, Windows 8, la nouvelle version du logiciel de Microsoft, est adaptée aux ardoises électroniques. La firme met également l'accent sur les smartphones, via le partenariat conclu avec Nokia, et continue de pousser ses pions avec son moteur de recherche Bing. HP aussi se dote de relais de croissance : le premier fabricant mondial d'ordinateurs s'est lancé mi-mars dans le « cloud computing » (informatique à distance), un marché qui devrait doubler d'ici à 2014, à 150 milliards de dollars, selon l'institut Gartner.

Autre argument en faveur de ces « anciens » de l'informatique : leurs montagnes de cash, accumulées grâce au serrage de vis de 2009, « et qui vont permettre d'augmenter la rémunération des actionnaires », assure Bank of America. De fait, les « technos », qui n'étaient pas réputées pour leur générosité, commencent à comprendre qu'il leur faut faire des efforts. Le numéro un mondial des routeurs, Cisco, a ainsi versé le premier dividende de son histoire, en mars dernier. De véritables mannes en perspective, quand on sait que Microsoft est assis sur un tas d'or de 53 milliards de dollars, et que les matelas d'Intel, HP et Dell excèdent chacun les 10 milliards.

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