Pourquoi la crise va si bien au luxe

La crise a révélé la santé insolente du secteur du luxe, qui s'est permis d'augmenter ses prix pendant la récession. Les stratégies déployées par les groupes sont variées, mais elles ont permis de maintenir jusqu'à présent une forte présence industrielle en France. Le secteur doit résister aux pressions en faveur des délocalisations.
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Force est de constater que face aux risques d'un marché international en pleine crise depuis 2008, le luxe a su tirer son épingle du jeu : il a ramassé le gant du défi de la crise, accepté le combat et s'est disposé dignement à la riposte. Alors que la plupart des autres secteurs traversent une période de mévente, le luxe a non seulement conservé sa stabilité avec aplomb, mais a aussi eu le toupet de multiplier son chiffre d'affaires, à quelques exceptions près.

Lorsque l'économie est bien portante, l'écart entre les gagnants et les perdants est étroit, alors qu'en période de crise cet écart s'élargit et se creuse puisque certaines entreprises s'enrichissent davantage, alors que d'autres enregistrent des pertes importantes. Autrement dit, les crises peuvent s'avérer bénéfiques pour ceux qui savent en tirer profit. Lorsque la situation socio-économique est mauvaise, on s'attend à ce que les habitudes de consommation et les modes de gouvernance entrepreneuriale changent. Le consommateur traditionnel des produits de luxe peut et pourra toujours les acheter car il n'est pas concerné par les crises. Quant au consommateur occasionnel, rien d'étonnant à ce qu'il décide, en période de crise, de se payer le luxe de s'acheter un produit de marque, cher mais sublime à ses yeux, pour se faire plaisir et conjurer ainsi la crise.

Cet acte de défoulement relève plus de la sphère psychologique que du domaine de la typologie économique de la consommation et ressemble à un acte autocompulsif d'achat assez fréquent chez les femmes, dont l'importance de consommation dans le secteur du luxe ne doit pas être sous-estimée.

Quels sont les secrets managériaux d'une telle réussite du secteur du luxe ? Peut-on parler de management « expansionniste » ? Bernard Arnault, patron de LVMH, leader mondial du luxe, en entrant au capital d'Hermès, pour un coût limité à 1,4 milliard, s'est permis d'aller plus loin que les autres. D'autre part, alors que le secteur du luxe mondial enregistrait en 2009 une baisse de 8 % de son chiffre d'affaires, Louis Vuitton atteignait un bénéfice record de 1,75 milliard contre 289 millions pour Hermès. Cet accroissement des ventes est en partie dû au fait que, même dans la crise, Louis Vuitton a pu augmenter ses prix (hausse de 10 %, 15 % ou 20 %).

Doit-on vanter les qualités d'un management de « l'omniprésence partagée » ? Alain Némarq, président de Mauboussin, est présent auprès des directeurs de la création, du marketing, du développement, des ventes et même des relations clients, ce qui lui a permis de doubler les ventes depuis qu'il a pris les commandes, en 2002. Il réussit à être omniprésent en France, à New York, à Tokyo et à Singapour, dans ses 90 points de vente ; c'est une « omniprésence partagée » car acceptée et même réclamée par ses « employés ». Ainsi, les traditionnels rapports directeur/employés peuvent devenir des rapports manager/collaborateurs. Le management glisse alors de la verticalité traditionnelle à une horizontalité concessionnaire, sans aucun désistement ou renoncement de l'autorité, et s'enrichit d'une « autorisation de cession » qui accorde le droit à une meilleure gouvernance des capacités managériales en faisant appel à celles qui existent dans chacun de nous. Ou bien doit-on se contenter d'un management à l'international, en s'ouvrant soit aux capitaux étrangers, soit aux marchés étrangers ?

En mars 2011, le groupe familial catalan Puig (n° 7 mondial de la parfumerie) a fait l'acquisition des collections Jean Paul Gaultier. Pour sa part, le doyen des couturiers français, Pierre Cardin, octroie des licences depuis plus de quarante ans, ce qui lui permet de percevoir des royalties grâce à plus de 500 gammes de ses produits fabriqués par des industriels chinois entre autres. Quel que soit le management choisi, les valeurs boursières des grands fleurons du luxe s'envolent et suivent le changement évolutif, quantitatif et qualitatif de leurs consommateurs dans le monde. Les nouveaux riches des Bric deviennent eux aussi des consommateurs exigeants des produits de luxe. Les Chinois représentent 18 % du marché mondial. Ceux qui visitent la France, consacrent 85 % de leurs dépenses au luxe et plus particulièrement à leurs deux produits fétiches : le carré de soie Hermès et les sacs Kelly et Birkin de Vuitton. Quel avenir pour le luxe français ? À présent, le marché mondial du luxe représente 160 milliards d'euros. Le secteur du luxe français a donc de beaux jours devant lui. Encore faut-il que, dorénavant, les grandes griffes du luxe français aient le courage de demeurer français et défendre à cor et à cri notre savoir, savoir-faire, qualité, exception, distinction, de la création à la distribution, en passant par la production, car le luxe français est le seul à posséder cette valeur ajoutée et inégalée, faite de tradition artisanale de qualité, raffinement, charme, élégance et glamour.

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Commentaires 3
à écrit le 16/08/2013 à 4:40
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Sacs Kelly et Birkin de Vuitton ???!!! HERMES !

à écrit le 30/07/2013 à 9:33
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Est-ce bien sérieux de parler d'un "acte autocompulsif d'achat assez fréquent chez les femmes", dans un article supposément économique, alors même que vous avouez vous-même que "cet acte de défoulement relève plus de la sphère psychologique que du do...

le 30/07/2013 à 10:32
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et pourquoi prendre systematiquement mal, lorsuqu'on parle d'un fait scientifique?

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