Le 11 Septembre n'est plus ce qu'il était

Le choc de l'attentat terroriste a donné lieu à deux profondes erreurs d'interprétation. La première fut de croire en un "choc des civilisations", entre démocratie et Islam. La seconde fut d'accorder aux Etats-Unis une centralité sans limites dans l'espace mondial.
Copyright Reuters

Le 11 Septembre, par sa violence, a secoué les consciences. C'est peut-être la raison pour laquelle il a donné lieu à deux profondes erreurs d'interprétation. La première fut de croire que le "choc des civilisations" était en marche et que l'Islam était incompatible avec la démocratie. La seconde fut d'accorder aux États-Unis une centralité dans l'espace mondial qui semblait sans limites alors qu'elle allait être remise en question quelques années après.

Le monde musulman à feu et à sang, prêt à tout pour combattre l'Occident dans une croisade à l'envers : voici le monde de l'après-11 Septembre qu'ont décrit tant de commentateurs. Tout était faux. Ben Laden n'était pas l'Islam. Le problème que doivent affronter les pays musulmans, du Maroc au Pakistan et en passant par les monarchies du Golfe et l'Iran, c'est la nécessité face à laquelle ils se trouvent d'inventer une voie spécifique vers la modernité, vers leur modernité. L'Islam est, parmi d'autres, une réponse à cette question.

Dans toute la région, en quelques années, les sociétés de ces pays ont changé radicalement : les populations étaient rurales, les familles nombreuses, organisées autour de la solidarité entre les frères, avec une endogamie forte, des femmes inégales aux hommes et un système patriarcal où le père avait voix prépondérante. Les familles aujourd'hui sont resserrées (2 enfants par femme en Tunisie et en Iran, comme en France ou aux États-Unis), l'endogamie a profondément baissé, les femmes sont plus éduquées que leurs pères et bientôt que leurs maris et ces sociétés se sont rapidement urbanisées.

Du monde traditionnel, le monde arabo-musulman passe à la modernité. En se posant une grande question : cette modernité va-t-elle être endogène ou sera-t-elle importée ? L'Occident imposera-t-il sa modernité ? L'islamisme, qu'il soit pacifique ou violent, est une réponse à cette question. Il apporte une réponse : la modernité, c'est la tradition (réinventée), c'est notre tradition. Où l'Islam est une règle de vie. Où la femme retrouve son statut inférieur dans la sphère publique. Où l'autorité paternelle n'est pas remise en question.

La réponse islamiste s'inscrit donc dans un contexte très précis, dans un moment de rupture : la crise islamiste, c'est une crise de transition, douloureuse et complexe, parfois violente, souvent régressive. Mais, ce n'est pas une fatalité car ce n'est qu'un moment. Le choc entre le monde islamique et l'Occident n'est pas un "choc de civilisations", c'est un "choc de temporalités". C'est le temps de la crise de transition contre le temps de la modernité. Oui, l'Islam est compatible avec la démocratie. C'est ce que nous disent - avec quelle force !- les manifestants du Printemps arabe. Qui enterrent Ben Laden plus efficacement que les balles américaines.

Seconde erreur : New York au centre du monde. Ben Laden en menant une croisade contre l'Occident lui donnait en même temps une place centrale. Tout le monde croyait encore à l'hyperpuissance américaine. Aujourd'hui, c'est plutôt l'hyperimpuissance américaine qui saute aux yeux. La puissance économique américaine était fondée sur la dette qui permettait aux Américains de vivre au-dessus de leurs moyens. Avec un taux d'épargne proche de 0% entre 2000 et 2007 qui a conduit à la crise des subprimes, les Américains doivent aujourd'hui reconstituer en urgence leur épargne. Et qui dit plus d'épargne dit moins de consommation, et donc moins de croissance intérieure. C'est pour eux la seule solution car l'autre possibilité, augmenter la production de biens produits aux Etats-Unis, n'est plus possible : en faisant le choix de la délocalisation industrielle et de la spécialisation dans l'industrie financière, la high-tech, la défense et les biens culturels, les Américains ont creusé les inégalités sociales internes, construit une dépendance très forte vis-à-vis de leurs créanciers, notamment asiatiques, inscrit dans leur modèle économique le déficit commercial et rendu impossible la progression des salaires des classes moyennes qui est le vrai sésame de la sortie de crise.

Cette dépendance américaine limite aujourd'hui les capacités d'intervention extérieure du pays : le retrait programmé d'Irak et d'Afghanistan a aussi des motivations économiques, vu les sommes dépensées chaque année là-bas. Conséquence : la capacité à contrôler les ressources énergétiques dont ont besoin les autres pays, à commencer par la Chine, va être limitée. Enfin, les grandes entreprises américaines vont être progressivement rachetées par ceux qui détiennent aujourd'hui de l'argent en quantité : les grands pays émergents et les pays producteurs de matières premières, notamment ceux qui exportent du pétrole.

Aujourd'hui, la désoccidentalisation du monde est en marche. Ni le progrès technologique (l'Asie l'a rattrapé) ni la croissance économique (les émergents galopent quand nous piétinons) ni même la démocratie ne sont plus aujourd'hui l'apanage des Occidentaux.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 10/09/2011 à 11:38
Signaler
Ce baratin a oublié l'essentiel: Les multinationales occidentales doivent contrôler et posséder toutes les matières-premières de la planète Terre. C'est pourquoi l'Amérique a conçu la plus puissante force militaire de l'histoire de l'Humanité et s'es...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.