Dimanche soir, Angela Merkel avait sa mine des mauvais jours. Même si elle est arrivée en tête, sa formation, la CDU, alliée à la CSU, accusait une baisse de 8,5% par rapport aux précédentes législatives. Un coup de semonce qui doit encourager le parti conservateur à préparer dans les quatre prochaines années la succession de la chancelière à l'exceptionnelle longévité.
Échec personnel
Malgré ce revers, les conditions inédites dans lesquelles Angela Merkel va entamer son quatrième mandat lui assurent la maîtrise du jeu politique allemand, et donc européen.
Certes, l'arrivée en force d'une formation d'extrême droite au Bundestag pour la première fois depuis le régime nazi est un échec personnel pour la chancelière. Mais l'AfD (12,6% des suffrages, 94 sur 709 députés), une formation populiste et ouvertement nationaliste, a raté son pari de l'empêcher de gagner. Le bon score de l'AfD, devenue la troisième force politique du pays, exprime plus le rejet d'une politique d'immigration exceptionnelle en matière d'accueil des réfugiés, surtout si on la compare à la France, qu'une adhésion de fond. Y voir un parallèle avec les années 1930 relève de l'anachronisme historique, la situation économique n'ayant absolument rien à voir avec celle d'alors, rongée par l'inflation et le chômage.
Redéfinir une ligne politique claire
Certes, le SPD, partenaire sortant de la coalition, a annoncé vouloir siéger dans l'opposition, après avoir vu son score baisser de 5% par rapport aux élections précédentes à un niveau historiquement bas. Ce choix va l'obliger à redéfinir une ligne politique claire qui lui a manqué jusqu'à présent. Ce travail est vital pour l'ensemble de la social-démocratie européenne menacée d'un épuisement de sa fonction depuis l'après-guerre. Au-delà de son positionnement idéologique, le deuxième parti d'Allemagne participe à la stabilité du régime, et peut représenter, même dans l'opposition, un allié objectif d'Angela Merkel au Bundestag face à l'AfD.
Certes, la chancelière va devoir composer avec les Verts (8,9% des suffrages, 67 sièges) et surtout les libéraux du FDP (10,7%, 80 sièges), dans une coalition colorée à la « jamaïcaine ». L'équilibre s'annonce difficile, les deux partis ayant des points de vue opposés en matière de politique fiscale ou encore de politique européenne. Mais cela confère à la chancelière le rôle d'arbitre qui lui permettra de jouer la voie du milieu dans laquelle elle excelle.
Mauvaises nouvelles pour l'UE
Certes, le retour des libéraux au Bundestag et probablement au gouvernement, qui s'opposent fermement à l'intégration européenne, et l'émergence de l'AfD qui veut faire passer l'intérêt allemand avant celui de l'Europe sont des mauvaises nouvelles pour l'Union européenne et moins directement pour le président français
Emmanuel Macron, qui comptait sur la réélection de la chancelière pour relancer l'Europe, voit ses plans remis en cause. Ses propositions (budget commun de la zone euro, nomination d'un ministre des Finances de la zone euro...) avaient reçu un accueil intéressé à la chancellerie. Mais, d'une part, l'Allemagne était en campagne électorale et, d'autre part, Berlin a toujours conditionné son intérêt à discuter des sujets à la nécessité de mener au préalable des réformes structurelles en France.
La nouvelle situation modifie les paramètres. Dimanche soir, Angela Merkel a clairement indiqué vouloir mener une politique qui réponde aux craintes d'un électorat qui a glissé un bulletin AfD dans l'urne dimanche pour le ramener dans les rangs de la CDU.
L'ordolibéralisme allemand ne va pas dévier
Or, cette politique n'est-elle pas déjà celle menée par Angela Merkel et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble, lequel devrait probablement retrouver son poste dans la future coalition ? En toute logique, l'ordolibéralisme allemand ne devrait pas dévier de sa politique, il pourrait même être renforcé par ces législatives. Et les autres pays européens vont devoir faire avec.
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