
La volonté des terroristes de détruire aveuglément le plus grand nombre de vies sur le sol français a plongé le pays dans la stupeur et la sidération. Ces actes signifient que la France est clairement une ennemie pour certains.
Pour comprendre les choses, il faut les nommer. Cela a été fait tant par le président que par le Premier ministre, qui ont dit qu'il s'agissait d'une « guerre ». Celle-ci était déjà une réalité depuis des années pour nos militaires et nos services de renseignement - la France est engagée au Mali et en Centrafrique, en Afghanistan et en Syrie -, mais cette réalité n'était que lointaine pour la majorité des Français. Depuis le carnage de vendredi, la crainte du terrorisme fait désormais partie de notre quotidien.
Séquence logique
Ces actes terroristes ne sont pas pour autant spontanés. Ils s'inscrivent dans une séquence sinon logique pour le moins troublante. Ces dernières semaines, des attentats meurtriers ont visé le Hezbollah au Liban, les Kurdes en Turquie, les Russes, avec l'explosion d'un avion au dessus du Sinaï égyptien, et enfin les Français. C'est-à-dire tous ceux qui combattent l'Etat islamique.
Ces actes ont déjà des conséquences diplomatiques : le président iranien a annulé sa visite officielle en France prévue ces jours-ci, une première en 19 ans, une occasion perdue de renouer les fils d'une relation diplomatique et commerciale avec un pays essentiel dans la région. De même, la conférence sur la recherche d'une solution de sortie de crise en Syrie qui doit prochainement se tenir à Vienne voit ses maigres espoirs se réduire comme peau de chagrin.
Ce qui diffère des attentats de janvier
Quant au sentiment qui prédomine en France - c'est palpable à Paris -, au delà de la sidération, il diffère de celui qui était présent en janvier dernier, comme si nous avions changé de dimension.
En janvier, la logique délirante et meurtrière des assassins visait des caricaturistes blasphémateurs et des Juifs, censés représenter leur ennemi Israël. Elle était mue par une volonté de détruire certaines valeurs de notre république : la liberté d'expression et l'égalité des citoyens, par le rejet du racisme en général, et de l'antisémitisme en particulier. Cette fois, c'est le pays qui est attaqué, toute personne vivant sur le sol français est désormais pour les terroristes un ennemi potentiel.
L'Etat a donc non seulement le droit mais le devoir de se défendre et de protéger ses citoyens par les moyens requis, tout en préservant les libertés du citoyen. Rappelons d'ailleurs que l'exercice de la liberté requiert un minimum de sécurité.
Moyens supplémentaires
Mais ce n'est pas tant de rhétorique guerrière, qui se déverse en flux continu en ce moment, dont on a besoin, que plus pragmatiquement de moyens supplémentaires pour nos services concernés, ce qui a un coût. Certes depuis janvier ces moyens ont déjà été renforcés et cela a permis d'éviter de nombreux attentats. Et si le risque zéro n'existe pas, en revanche on peut le diminuer.
Les spécialistes sur le terrain - juges, policiers, services anti-terroristes, renseignement militaire - n'ont cessé de répéter depuis janvier qu'il s'agissait d'une guerre contre la France, et qu'il fallait les moyens adéquats. On connait les contraintes budgétaires mais la sécurité du pays doit imposer à François Hollande et à son gouvernement de hiérarchiser les priorités. Imagine-t-on d'ailleurs pouvoir faire de la croissance économique dans un pays potentiellement dangereux ? Car chaque Français, chaque Française ou chaque étranger présent dans le pays sait désormais qu'il est une cible potentielle.
Un langage de vérité
La première victime de la guerre est souvent la vérité. Tous nos responsables seraient bien inspirés cette fois-ci de ne pas réduire leur relation aux Français à un exercice de communication. Ils doivent tenir un langage de vérité consistant à faire ce que l'on dit et dire ce que l'on fait. On le doit à la mémoire des victimes qui n'ont eu pour seul tort vendredi d'être au mauvais endroit au mauvais moment.
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