Macron, retraite impossible, clause du « grand-père » impensable

Par Philippe Mabille  |   |  611  mots
(Crédits : BENOIT TESSIER)
ÉDITO. La grève du 5 décembre, que les syndicats annoncent dure, massive et reconductible, va mettre la France, et particulièrement la région parisienne, dans ce qui va ressembler à l'hiver de 1995. Par Philippe Mabille, directeur de la rédaction.

Est-il encore temps d'arrêter cette grève... Comme pour paraphraser Maurice Thorez, François ­Hollande vient d'alerter son successeur et ancien collaborateur. L'ex-président a demandé mercredi sur BFM et RMC au gouvernement « d'ouvrir toutes les discussions », de « mettre tout sur la table » d'ici au 5 décembre pour tenter « d'apaiser » une colère que les syndicats eux-mêmes ne sont pas certains de parvenir à contrôler. On l'a vu au dépôt de TGV de Châtillon, la base des cheminots est au bord de l'insurrection face aux trois chocs majeurs que va absorber la SNCF en 2020 : choc de compétitivité avec l'ouverture à la concurrence, choc statutaire avec la réforme de l'entreprise, et choc culturel avec la fin programmée de son régime
spécial de retraite.

Astuce politique

La grève du 5 décembre, que les syndicats annoncent dure, massive et reconductible, va mettre la France, et particulièrement la région parisienne, dans ce qui va ressembler à l'hiver de 1995. Le gouvernement a déjà « pour partie retiré » son projet, « puisqu'ils disent que ce serait uniquement pour les nouveaux entrants », a souligné François Hollande... L'ancien président fait référence à la fameuse « clause du grand-père » évoquée de moins en moins discrètement par le pouvoir pour faire avaler sa réforme aux opposants les plus récalcitrants.

SNCF, EDF, RATP, même capacité de nuisance, même pouvoir de bloquer le pays et donc même traitement de faveur : la réforme ne s'appliquerait qu'aux seuls nouveaux entrants à compter de la mise en application du nouveau régime universel en 2025... Et donc ne concernera en réalité que les « petits-enfants » de la génération actuelle, d'où le nom de clause du « grand-père », astuce politique qui donne des boutons au père de la réforme, Jean-Paul Delevoye, vertement recadré depuis par le Premier ministre Édouard Philippe.

Lire aussi : Retraites : Delevoye ne privilégie pas l'application de la réforme aux seuls nouveaux entrants

Égalité réelle VS iniquité

Le fils spirituel d'Alain Juppé est bien placé pour savoir où conduit le jusqu'au-boutisme lorsque l'on veut toucher aux régimes dits spéciaux. Et pourtant, qui peut sérieusement croire qu'Emmanuel Macron puisse n'appliquer en 2025 le régime universel des retraites qu'aux seuls salariés du privé de la génération 1963, au prétexte qu'ils sont les seuls que l'on n'entend jamais crier ? Comment le président de tous les Français, élu sur la défense de « l'égalité réelle » peut-il même imaginer une telle iniquité ? La clause du grand-père est bien évidemment impensable, tout comme est impossible la retraite d'Emmanuel Macron face à une réforme qui constituera le dernier marqueur de son quinquennat.

Reste que le chef de l'État, pourtant adepte depuis la crise des « gilets jaunes » d'une démocratie plus délibérative, rate une fois de plus sa cible : créer de l'adhésion et réconcilier les Français. Il vend le régime universel par points au nom de principes plus que légitimes - l'égalité femmes-hommes, la revalorisation de petites retraites - et en coulisse négocierait le maintien d'inégalités au nom de la loi du plus fort... Beau contre-exemple du macronisme alors que va exploser une autre bombe financière avec la publication, le 28 novembre, des nouvelles prévisions du Conseil d'orientation des retraites. Si se confirme l'hypothèse d'un déficit croissant, Macron pourra-t-il faire l'économie d'un débat sur le report de l'âge de départ, envisagé en Allemagne jusqu'à 69 ans ? En pleine grève des transports, ce serait le pompon...