Fusionner le RSA et la prime pour l'emploi : une opération à hauts risques

François Hollande a annoncé fin août une fusion du RSA et de la prime pour l'emploi. Une fusion très délicate, voire impossible. Par Henri Sterdyniak, économiste, OFCE.

La fusion de la Prime pour l'emploi (PPE) et du Revenu de solidarité active (RSA) a été annoncée par le Président de la République. Mais, le diable est dans les détails : comment faire cette fusion ?

Quels soutiens aux bas revenus?

D'abord, un état des lieux du système. La France a mis en place un système particulièrement compliqué qui vise deux objectifs en partie contradictoires : aider les familles pauvres ; inciter les travailleurs non-qualifiés à travailler.
L'aide aux ménages les plus pauvres comprend le RSA (un revenu minimum familialisé), la PPE (une allocation individualisé visant à inciter à l'emploi), les allocations-logement (une allocation familialisé) et des prestations familiales sous conditions de ressources (ARS, CF). Malgré les efforts de Martin Hirsch, son promoteur le RSA n'englobe pas la PPE et les allocations-logement. Le RSA se compose d'une allocation de base : le RSA socle, (un revenu minimum, qui dépend de la composition familiale), qui est réduite de 38 euros pour 100 euros de revenu d'activité. Ainsi, Le RSA est versé mensuellement sur la base d'une déclaration trimestrielle de revenu. Le PPE est lui versé automatiquement sur la base de la déclaration à l'impôt sur le revenu, avec un an de décalage. Le RSA s'impute sur la PPE, de sorte qu'un ménage qui ne demande pas la RSA touche la PPE.

Trois dispositifs


Trois dispositifs visent spécifiquement à inciter à l'emploi des travailleurs à bas-salaires: les exonérations de cotisations employeurs qui diminuent le coût du travail au niveau du SMIC ; la PPE et le RSA qui augmentent le gain à l'emploi des travailleurs non-qualifiés.

Un célibataire payé au SMIC a droit à la PPE, mais pas au RSA (tableau 1). Il coûte 1 671 euros à son entreprise (pour 35 heures de travail) ; son salaire supporte 541 euros de cotisations, chômage ou retraite, représentant des salaires différés ; il reçoit un transfert net de 140 euros (PPE + allocation logement - CSG-CRDS - cotisations maladie et famille) ; son revenu disponible est de 1 270 euros. Il ne supporte donc aucune charge fiscale nette ; son assurance maladie lui est offerte. Les exonérations de cotisations employeurs sont supérieures aux cotisations non-contributives. Le niveau de vie assuré aux travailleurs au SMIC est dissocié du coût de leur travail.

Une prime d'activité pour remplacer le RSA et la PPE


En 2013, le rapport Sirugue avait proposé une réforme consistant à créer une Prime d'activité qui remplacerait le RSA activité et la PPE (voir l'analyse critique de Guillaume Allègre : Faut-il remplacer le RSA-activité et la PPE par une Prime d'activité ? Réflexions autour du rapport Sirugue, 2013).

Mais, comme le RSA socle persisterait, les familles à très bas salaires devraient solliciter deux allocations : le RSA socle et la Prime d'activité. Le système serait compliqué pour elles. Le barème de la prime d'activité proposé par le rapport Sirugue était arbitraire, avec des pentes et un pic à 0,7 SMIC qui n'avaient aucune justification. Le système était plus compliqué et plus arbitraire que celui du RSA. Sans proposer d'améliorations fortes par rapport au système existant. La mesure proposée était coûteuse pour les familles mono-actives (certaines perdaient 10% de revenus). Le risque était que la prime d'activité souffre du même taux de non-recours que la PPA et que certaines familles perdent la PPE sans vouloir recourir à la Prime d'activité. D'ailleurs, le Rapport sur la fiscalité des ménages de François Auvigne et Dominique Lefebvre, 2014, pointait lui-aussi les déficiences du projet.

Le risque de non-recours, des perdants

Une fusion qui aboutirait à une prestation familialisée versée par la CAF fait courir le risque d'un taux élevé de non-recours et fait des perdants parmi les ménages bi-actifs avec enfants. Une fusion qui aboutirait à une allocation versée sur la fiche de paye ne prendrait pas en compte les enfants, nuirait aux travailleurs à temps partiel et poserait des questions de cohérence avec le RSA socle. Bref, la fusion est une piste délicate (sinon impossible) à mettre en œuvre.

Augmenter le Smic?

Si l'objectif est d'augmenter le niveau de vie des salariés, la meilleure solution, la plus simple, est d'augmenter le SMIC (d'environ 10%) tout en supprimant la PPE. Certes, on renonce à aider spécifiquement les emplois à temps partiel, comme le fait la PPE, mais cette aide est trop compliquée pour avoir le moindre effet incitatif. Une hausse du salaire net est sans doute préférable. 
Par ailleurs, il faudrait aider spécifiquement les familles de travailleurs pauvres (entre le RSA socle et 2 fois le SMIC), en introduisant un complément familial de l'ordre de 80 euros pour un enfant, de 160 euros pour deux enfants Il faudrait créer une allocation d'insertion, du montant du RSA, pour les jeunes à la recherche d'un emploi, n'ayant pas de droit à l'indemnité chômage, allocation soumise à des cotisations retraites.

Maintenir le RSA activité

Le RSA activité doit être maintenu, puisqu'il permet que toute activité se traduise effectivement par une hausse de revenu disponible mais son rôle serait réduit et le non-recours aurait moins de conséquence pour les familles avec enfants.
Reste qu'il ne faut pas augmenter le coût du travail non-qualifié, de sorte que deux modalités sont possibles. Soit, la hausse du SMIC se fait par une PPE figurant sur la fiche de paye, prime explicitement reconnue comme Prime, ce qui implique que le taux de prélèvement obligatoire augmentera, mais aussi que le Conseil Constitutionnel ne peut s'y opposer, avec l'inconvénient que la prime sera dégressive avec le niveau du salaire, donc représentera une charge administrative supplémentaire pour les entreprises. Soit, la compensation pour les employeurs se fait par une hausse des exonérations de cotisations sur les bas-salaires (qui devraient passer de 28 à 34,6%).

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Commentaires 9
à écrit le 30/09/2014 à 6:24
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La baisse des charges serait plus simple et aurait l'avantage de rendre les travailleurs plus compétitifs par rapport au travail au noir ou autres travailleurs détachés.

le 30/09/2014 à 6:32
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Mais pour baisser les charges il faudrait augmenter le prix de l'énergie, et cela personne n'en veut.

le 30/09/2014 à 10:51
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Les entreprises ne créent pas d'emploi non pas à cause des charges mais plutôt par manque d'ambitions et d'exportation...

à écrit le 30/09/2014 à 1:36
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A l'heure ou 85% des offres d'emplois sont des CDD, où certains obtiennent soudainement des revenus à cause d'une vidéo sur internet; je ne comprend pas vraiment pourquoi on reste attaché à une bureaucratie lente trimestrielle ou annuelle axée sur le...

à écrit le 29/09/2014 à 20:51
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il faut supprimer la PPE. Ce n'est pas à la DGFIP de gérer les aides sociales. Par ailleurs le fisc délaisse les contrôles de PPE faute d'enjeux et de procédure simplifier permettant notamment la consultation des comptes bancaires. Il faut donc ce...

à écrit le 29/09/2014 à 20:51
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Une seule expression pour résumer l'article: Usine à gaz. Ça en devient désolant. Et encore, grâce à ces mécanismes alambiqués, en finalité des économies sont faites puisque des bénéficiaires potentiels passent à côté! À moins que ce ne soit le but.....

à écrit le 29/09/2014 à 20:10
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On est expert pour monter des usines à gaz. Dommage on n'a pas de gaz, ou du moins on n'en veut pas;je veux parler du gaz de schiste.

à écrit le 29/09/2014 à 19:17
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Une solution plus élégante consiste en une allocation universelle dont le montant serait récupéré sur les tranches d'imposition de l'impot sur le revenu.

à écrit le 29/09/2014 à 19:09
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Une vraie usine à gaz! Une usine à fraudes Une usine à assistanat, qu'il faut quand même implorer auprès de la toute puissante administration. Que d'emploi coûtant cher à la collectivité. Vite, le revenu universel sans condition: au moins...

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