Campagne de Brousse : en mai, faisons ce qui nous plaît ?

CHRONIQUE. Ingénieur, éditeur, observateur attentif des sociétés, du monde et des gens, Jean Brousse, corrézien, bretteur de mots, a publié "Deux mois ferme", collection de ses chroniques quotidiennes du confinement. En cette année présidentielle, il tient dans La Tribune une revue de la crise politique et sanitaire, intitulée comme il se doit Campagne de... Brousse.
(Crédits : Jean Brousse LT)

Les masques sont donc tombés le 16 mai et John Castex peut retourner à Prades repeindre ses volets avec le sentiment du devoir accompli. Nous l'avions connu lorsqu'il fallait entreprendre le « déconfinement ». Il a fait le job. Nous perdons un bel accent rocailleux du sud et une rondeur toute gasconne bien engageante. Nous découvrons aux « unes » de la presse nationale et régionale le portrait de la cheffe espérée. Nous gagnons, de détours en circonvolutions, une Première ministre vapoteuse, chargée des transitions énergétique et écologique, que tout le monde attendait : pour la surprise, on repassera. Au royaume des manœuvres, Borne sera reine.

Comme le soulignent avec quelque peu d'élégance les éditorialistes : « elle coche toutes les cases », comme s'il suffisait, pour diriger le gouvernement de la France, de remplir avec succès une « to do list » élaborée par un savant logiciel prêté gracieusement par les services marketing d'un grand spécialiste du e-commerce. L'alchimie de la réussite ne réside pas que dans les algorithmes de l'intelligence artificielle la mal nommée. Deux qualités bien rares pour un ministre la distinguent cependant : primo, c'est un ingénieur - ou une ingénieure ?- et devant la complexité du chantier à venir ça peut servir, loin des méandres de l'énarcho-système ; secundo, elle a été cheffe d'entreprises, certes publiques mais entreprises quand même. Elle y a été confrontée aux subtilités du management des hommes, aux contacts nécessaires avec des clients et aux secrets de la comptabilité, ça ne peut pas nuire.

Nous aurons attendu avec impatience huit jours de plus la proclamation d'un gouvernement largement préparé depuis bien avant. Plutôt jeune, l'équipe fait la part belle aux membres reconduits de l'ancien « groupe », poids lourds régaliens ou techniciens rompus à l'exercice. De jolies personnalités aux Affaires étrangères, à l'Education, à l'Enseignement supérieur et aux Sports. Une prise de guerre au moins, et peu de « récompenses. Un véritable « comex » prêt à la tâche, du moins le souhaitons nous. Fallait-il retarder la livraison de cette pâture pour les oppositions à quelques jours près des élections législatives ? La canicule précoce en a peut-être également ralenti son édition.

A la surprise générale - !!! - l'Ukraine a emporté le concours de l'Eurovision. Mieux qu'aucun sondage, ce résultat signe la solidarité d'une grande Europe élargie avec les ambitions d'un peuple acharné à défendre un modèle inspiré des principes de la démocratie. La France évite de justesse la dernière place, représentée par un groupe breton que les Français avaient unanimement envoyé au casse-pipe. Mieux qu'aucun sondage, leur choix signe leur profond désir de voir reconnus les particularismes locaux et la personnalité des territoires. Avis à la prochaine gouvernance du pays : le jacobinisme commence à sérieusement peser, même s'il reste confortable de charger l'Etat de tous nos maux.

La Russie n'a pas participé au concours cette année. Dommage, elle aurait pu se mesurer à armes égales à son prétendu assaillant. Ne lui reste que de revendiquer honteusement la difficile et peu glorieuse prise de Marioupol, quand sur tous les fronts elle connait quelques déboires. Elle recule du coté de Kharkiv. Elle aura précipité la Finlande et la Suède dans les bras accueillants d'une OTAN ressuscitée. Le G7, y compris le Japon, aura réaffirmé avec force le respect des frontières de l'Europe.  Elle aura perdu, sans doute pour très longtemps, ses meilleurs clients pour ses réserves de gaz. On évoque des tentatives de négociation.

Loin du triste cortège des prisonniers exténués de Marioupol, la photo officielle de notre nouveau gouvernement pourra se faire entre deux averses sous un soleil imprécis, mais radieux. Quelques orages ne sont pas impossibles. A voir.

En mai, faisons ce qui nous plaît ! Pas sûr.

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