Campagne de Brousse : Nupes, un marché de Dupes

CHRONIQUE. Ingénieur, éditeur, observateur attentif des sociétés, du monde et des gens, Jean Brousse, corrézien, bretteur de mots, a publié "Deux mois ferme", collection de ses chroniques quotidiennes du confinement. En cette année présidentielle, il tient dans La Tribune une revue de la crise politique et sanitaire, intitulée comme il se doit Campagne de... Brousse.
(Crédits : Jean Brousse LT)

Petit matin blême entre Barbès et République, entre le quai de Valmy et le square de Verdun, près de la rue des Vinaigriers, ça ne s'invente pas. Les derniers résistants, tels les derniers bourgeois décalés, les négociateurs d'un parti socialiste exsangue et défait, hagards, blafards, petits yeux et traits tirés, quittent Canossa et se précipitent au zinc du coin où d'honnêtes travailleurs prennent leur rituel petit noir avant de rejoindre leur atelier, leur boutique ou leur bureau, puisqu'on n'a plus d'usines. Ambiance Quatrième, au moins.

Nupes, Nupes, Nupes hourra, Nupes est née, la "Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale". Nupes ? NUPES = LFI + EELV + PC + PS, étrange équation hétéroclite où les insoumis soumettent d'anciens soumis. Merci Michel Houellebecq. Europe-écologie-les verts, perdus et déchirés, encombrés de cette Europe dont ils ne savent plus que faire se seront noyés les premiers dans leurs imprécisions. Fabien Roussel sur sa lancée du 10 avril y voit sans doute un tremplin vers « les jours heureux » tant attendus. Les orphelins de Solférino en espèrent quelques sièges.

Perdre son âme ou sa circonscription, telle est la question ! Les barbus prospèrent : il devient difficile de se regarder dans le miroir de la salle de bain par les temps qui courent. Anne Hidalgo, épargnée par l'exercice et forte de ses notables 1,7 % renâcle avec assurance. Bernard Cazeneuve démissionne sans fracas et François Hollande reste muet. La dissidence gronde. Martine Aubry ressuscitée applaudit.

Quid de l'Europe, quid de la guerre, quid du nucléaire ? Quid de la Sixième République ? Qu'importe, on verra bien après le 19 juin. Il ne s'agit au fond que d'une coalition de circonstance, en aucun cas une alliance ni une fusion, entend-on déjà. Pas une « confédération » comme chez nos collègues de la toute neuve Renaissance. Alors à quoi tout cela rime-t-il ? Nupes en tous cas ne peut rimer qu'avec dupes. N'est pas qui veut Léon Blum ou François Mitterrand, qui s'est en son temps parfaitement « accommodé » parce qu'il le fallait bien et du programme commun et de la constitution.

L'épisode aura au moins offert quelques heures de calme bienvenues au Président toujours à la recherche de son Premier ministre. Pas facile, semble-t-il, on ne se bouscule pas. Le job peut être pénible, et le patron pas facile, paraît-il ! Pourtant Jean-Luc Mélenchon a bien une petite idée.

Sobrement intronisé, le Président doit maintenant repartir à la guerre. Cette semaine, le Tsar et ses sbires auront beaucoup parlé, beaucoup menacé, beaucoup manipulé, beaucoup menti. Beaucoup bombardé aussi, malheureusement. Dans cette guerre étrange encore pas déclarée, face aux désillusions inattendues, Vladimir Poutine parle. Sa parole, relayée par les chaines de télévision du monde entier et diffusée par des réseaux sociaux incontrôlables, n'est pas la moindre de ses armes, une arme de persuasion massive. Elle nourrit à l'envi les commentaires et les fantasmes ininterrompus des experts amateurs et professionnels occupés à décrypter les arcanes des intentions stratégiques supposées du maître du Kremlin. Les opinions s'émeuvent de ses pirouettes et de ses anathèmes.

Débranche, chantait France Gall. Débranchons, débranchons ses micros et ses caméras. Débranchons tout. Coupons lui le son et l'image, comme on pourrait couper gaz et pétrole. Mutique, serait-il moins dangereux ?

Le 9 mai approche à grands pas. Faut-il vraiment diffuser en mondovision la parade exceptionnelle  et trompeuse qu'il nous prépare soigneusement ? Le peuple de Russie, resserré sur lui-même, se satisfera-t-il de voir défiler le bunker volant dans lequel le Tsar s'échappera lorsqu'il aura anéanti la planète, ce qu'il est capable d'envisager ? Science-fiction ? Nous la vivons. Seul Enki Bilal saurait dessiner la scène et la mettre en couleurs.

Lire aussi 3 mnCampagne de Brousse : un brin de muguet, quelques feuilles blanches

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.