Comprendre la doctrine Macron sur les revenus des salariés, retraités, chômeurs

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, comprendre la doctrine Macron

Sur le papier, il y a une doctrine derrière les arbitrages budgétaires du gouvernement : privilégier les revenus du travail à ceux de l'inactivité. Et effectivement, lorsque l'on regarde les contours du projet de loi de finances 2019, c'est bien les revenus de la dépendance et certaines aides sociales que rogne en priorité le gouvernement.

Des choix en ligne avec la doctrine

Les pensions de retraites, l'ensemble des prestations familiales et les aides personnalisées au logement (APL), ne seraient pas indexés sur l'inflation. Elles ne progresseraient que de 0,3% en 2019 et 2020. Ce coup de frein n'est pas anecdotique. Dans un contexte où l'inflation devrait se situer entre 1,5 et 2% en 2019, le pouvoir d'achat de ces prestations sera sérieusement laminé. De l'ordre de 1,5%. Un nouveau coup dur pour les retraités notamment.

La dégressivité des allocations chômage devrait également être posée sur la table des négociations avec les partenaires sociaux. Là, ce sont les chômeurs-cadres qui sont en première ligne. Le gouvernement devrait encore poursuivre sa cure d'amaigrissement des emplois aidés non marchands. Après une baisse de 120.000 en 2018, leur contingent devrait encore diminuer de 25.000 en 2019. Autrement dit, l'emploi aidé non marchand est considéré comme un dispositif inefficace qui s'assimile à du chômage déguisé, ou plus crûment à de l'inactivité rémunérée. Seuls seront sanctuarisés le RSA, le minimum vieillesse, l'allocation pour les adultes handicapés, c'est-à-dire les aides ciblées sur les plus vulnérables. Conformément au modèle beveridgien.

A contrario, le gouvernement entend booster le pouvoir d'achat des salariés en supprimant les cotisations salariales sur les heures sup. C'est un transfert de 2 milliards à destination des actifs en emploi. La prime d'activité, qui fournit un complément de revenu aux travailleurs pauvres, incitant le retour à l'emploi sur des mini-jobs sera elle aussi revalorisée.

Les choix opérés sont donc bien en ligne avec la doctrine. Et derrière cette doctrine il y a deux idées-forces :

  • 1/ le chômage a un fort contenu volontaire en France. Les entreprises souffriraient de l'étroitesse de l'offre de travail ;
  • 2/ la rémunération trop généreuse des personnes en situation de dépendance, des 16 millions de retraités notamment, mais aussi des juniors (à travers l'érosion des allocations familiale, de l'allocation de rentrée scolaire, de la prime de naissance, du complément de libre choix du mode de garde), à quoi s'ajoute une assurance chômage qui couvre à proportion du dernier salaire induit un charge sur le coût du travail, qui nuit à la compétitivité du travail.

Un raisonnement contestable

La première assertion concernant le caractère massif du chômage volontaire est très contestable. Elle ne mérite pas qu'on s'y attarde. Elle n'est pas attestée empiriquement. Cette composante est minoritaire, et il est clair qu'après 10 ans de croissance molle, la réduction du chômage passe d'abord par un raffermissement de l'activité. Les années récentes ont montré que la job machine, loin d'être bloquée, s'anime dès que l'activité dépasse 1 à 1,5% de croissance.

La seconde assertion en revanche est beaucoup plus recevable. Oui, le financement des différentes formes de dépendance (senior, junior) induit un coût pour l'ensemble des agents économiques parmi les plus élevés des pays développés. Oui, son financement pèse in fine sur le coût du travail. Et oui, il existe un certain nombre de travaux convergents attestant que le coin socialo-fiscal élevé en France, pèse négativement sur le niveau de l'emploi. Les cotisations retraites sont certes du revenu différé, voire le chômage. Elles pourraient en théorie diminuer les revendications salariales des salariés. C'est vrai dans un monde parfait. Ce mécanisme joue certes en France, mais partiellement du fait de la rigidité des salaires, à laquelle participe le Smic.

Ceci étant dit, il ne suffit pas de diminuer les revenus de la dépendance pour booster l'emploi. Encore faut-il un choc simultané et significatif de diminution du coût du travail. Or ce n'est pas le cas. Même si la réforme du CICE entraine un double chèque en 2019, cette baisse n'est pas extrapolable et n'affectera pas le comportement d'embauche. Encore faut-il aussi que l'impact négatif sur l'activité de la réduction du pouvoir d'achat des dépendants soit compensé par un moteur externe puissant, où une dynamique cyclique robuste. Et là encore ce n'est pas le cas. Bref, comme souvent en économie, le timing compte autant que la doctrine. Et là paradoxalement, le gouvernement est en train d'enrayer une job machine qui paraissait pourtant bien repartie.

 >> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 6
à écrit le 08/09/2018 à 9:14
Signaler
Vous avez tout dit; et j ajouterai que bon nombre d editorialistes qui se succedent chez BFM BUSNESS chantres de l austerité se regardent en coin quand le sujet du social en economie est abordé , et leur dires deviennent plus mesuré c est vous dire ...

à écrit le 08/09/2018 à 5:31
Signaler
La doctrine Macron il n'y en a pas, il y a juste une pratique générale, et c'est assez simpliste : "Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à vous est négociable".

à écrit le 07/09/2018 à 15:06
Signaler
Si mes consommateurs sont actuellement en France et que je produits ailleurs par mesure d'économie, pendant combien de temps pourront il consommer mes produits? Comme tout un chacun se fait ce raisonnement, combien de temps avant que notre territoire...

à écrit le 07/09/2018 à 14:34
Signaler
On prend à ceux qui consomment pour donner à ceux qui s'évadent fiscalement et comme forcément ça ne peut pas fonctionner on dit qu'il faut prendre encore plus à ceux qui consomment. 100% Shadoks !

à écrit le 07/09/2018 à 13:20
Signaler
Macron, comme tous les Français, oublie la relation entre cout du travail et prix de l'énergie. Le travail et l'énergie, c'est la même grandeur physique. Pourquoi faire une différence en économie? On taxe le travail, mais on ne taxe pas l'énergie. My...

à écrit le 07/09/2018 à 12:24
Signaler
"le gouvernement est en train d'enrayer l'activité". Olivier reprend son discours d'il y a quelques jours ("vrai coût d'arrêt", "faiblesse de l'activité"). je me permets de poster de nouveau mon commentaire d'alors : les PME/ETI n'ont jamais été au...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.